À l'instar de Superman, Vincent Géracitano combat le crime à sa façon. L'entrepreneur montréalais n'est pas doté de pouvoirs surhumains, mais d'une volonté de fer. Sans la moindre expérience dans le monde de la télévision, il a fondé la chaîne Avis de recherche, entièrement consacrée à la traque des criminels.

Tout a commencé par un vol d'ordinateurs, il y a près de 10 ans, dans le bureau de M. Géracitano, sur le boulevard Saint-Michel. Deux semaines plus tard, les voleurs ont récidivé. Cette fois, leur forfait avait été filmé par des caméras de surveillance.

L'homme d'affaires s'est pourtant vite senti impuissant. Il a confié la cassette aux policiers, sans résultat. Et les médias l'ont boudé: sa mésaventure n'était pas digne de mention dans les bulletins d'information.

«Si quelqu'un avait vu la cassette, il aurait peut-être été en mesure d'identifier les coupables», dit-il.

On n'est jamais mieux servi que par soi-même, s'est dit M. Géracitano. Il a décidé de créer sa propre chaîne de télévision. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) lui a délivré sa licence en septembre 2002. Deux ans plus tard, Avis de recherche était en ondes.

Le concept est simple: la chaîne fait appel aux téléspectateurs pour résoudre des crimes en diffusant des vidéos et des informations sur les suspects. «Certains délinquants se sont livrés d'eux-mêmes en sachant que leur photo était rendue publique», raconte Karol Prévost, la sous-commissaire adjointe du Service correctionnel du Canada.

Titulaire d'un baccalauréat en commerce de l'Université Concordia, Vincent Géracitano a foncé tête baissée dans le monde de la télévision alors qu'il n'avait aucune expérience dans le domaine. Son apprentissage, il l'a fait sur le tas.

Il a appris à ses dépens que «lorsqu'une entreprise est en phase de démarrage, l'argent ne suffit jamais». Les premières années n'ont pas été une sinécure. «J'ai été obligé d'hypothéquer ma maison et celle de mes parents.»

M. Géracitano a dû verser 18 000$ par mois à Vidéotron pour diffuser Avis de recherche. La chaîne était ensuite offerte gratuitement aux abonnés. «Mes investisseurs et moi avons dépensé près de 1,2 million de dollars au cours des trois premières années», raconte-t-il.

Quant aux annonceurs, ils étaient frileux. «Ils préféraient acheter de la publicité sur des chaînes qui ont fait leurs preuves. Or, ça prend trois ou quatre ans pour s'établir.» De plus, les entreprises étaient peu enclines à s'afficher près de la photo d'un criminel.

Quand le crime paie

La traversée du désert a été longue pour M. Géracitano. Peu à peu, l'entrepreneur commence toutefois à savourer le succès. Avis de recherche travaille de concert avec les pompiers, les forces policières et les réseaux de recherche d'enfants disparus. En 2006, M. Géracitano a donc demandé au CRTC de reconnaître sa chaîne comme un service d'intérêt public.

Le CRTC a approuvé sa requête en juillet 2007. Vidéotron, le câblodistributeur le plus important au Québec, a contesté la décision. Mais, en janvier 2008, le CRTC a réitéré sa position: la chaîne est obligatoire et chaque abonné de la télévision numérique au Québec doit payer 6 cents par mois pour l'obtenir.

Pour M. Géracitano, cela représente des revenus annuels de 1,3 million. Une partie de cette somme servira à payer les créanciers et à produire des messages sur la sécurité et la prévention.

Il a reçu son premier chèque en avril. «On reçoit désormais des paiements, dit-il fièrement. Avant, c'était le contraire: on devait payer le câblodistributeur.»

L'homme de 46 ans ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. «Dans l'ouest du Canada, on veut une chaîne anglophone, raconte-t-il. D'ici un an, si tout va bien, All Points Bulletin, l'équivalent anglais d'Avis de recherche, sera diffusé sur l'ensemble du territoire canadien.»

Avis de recherche est disponible sur 187 pour les utilisateurs de Bell ExpressVu. Les abonnés de Vidéotron peuvent visionner la chaîne sur le canal 46; ceux de Cogeco peuvent le faire sur le canal 57.