On pourrait être porté à penser que Stephen Harper serait fou de déclencher des élections alors qu'il n'a que peu de possibilité de remporter une majorité. Le premier ministre lui-même a reconnu que les sondages d'opinion ne sont pas particulièrement encourageants.

À Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest, où il était de passage mercredi dans le cadre d'une tournée de trois jours en Arctique, il a même dit s'attendre à l'élection d'un autre gouvernement minoritaire. Alors, pourquoi tenir des élections?

Cela donnera au gouvernement «un nouveau mandat» et quelques années de plus pour poursuivre son programme, a-t-il répondu.

Mais selon un ex-chef de cabinet de M. Harper, Tom Flanagan, politologue à l'Université de Calgary, M. Harper se satisferait d'un nouveau gouvernement minoritaire parce qu'un tel résultat sèmerait la pagaille dans les rangs des libéraux, ce qui lui permettrait de poursuivre sa stratégie à long terme visant à détruire ce qu'on avait coutume d'appeler le «gouvernement naturel» des Canadiens.

De l'avis du politologue, M. Harper ne recherche nullement une majorité. Il se contenterait d'un gouvernement «moins minoritaire», mais entendrait plutôt mener une guerre d'usure contre les libéraux. Si les conservateurs parviennent à leur arracher seulement quelques sièges de plus, M. Flanagan prévoit que cela plongerait les libéraux dans le chaos et les luttes fratricides, au point de les mener à l'effondrement.

M. Dion et les autres leaders de l'opposition ont une interprétation différente de la stratégie Harper.

Ils soutiennent que le premier ministre invoque de faux prétextes pour tenir des élections anticipées parce qu'il craint que l'automne qui s'annonce ne nuise aux chances de son parti. Ils l'accusent de vouloir éviter des audiences parlementaires sur «l'affaire Cadman», sur des accrocs allégués à l'éthique, sur les irrégularités dans les dépenses du parti aux élections de 2006, et vouloir procéder avant le lancement, le 14 octobre, d'un livre potentiellement juteux de Julie Couillard portant notamment sur sa relation avec l'ex-ministre des Affaires étrangères Maxime Bernier.