Fait inédit à Montréal : la ville centre va devoir prêter de l'argent à des arrondissements pour qu'ils puissent boucler leur budget. Ils sont dans le rouge à cause de l'exceptionnelle quantité de neige qui est tombée l'hiver dernier. Les arrondissements auront trois ans pour rembourser ce prêt sans intérêt, a appris La Presse.

Au total, 12 arrondissements sur 19 sont déficitaires d'environ 21 millions de dollars. Selon les documents qu'a obtenus La Presse, seulement sept arrondissements ont un budget anticipé équilibré, comme la loi les y oblige. Les 12 autres n'ont pas eu assez des réserves et des surplus dont ils disposaient pour atteindre l'équilibre. Et des réserves, souvent, il n'y en a plus, si bien que, si l'hiver prochain est de nouveau très neigeux, bien des gestionnaires vont s'arracher les cheveux.

Pour l'instant, Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, le Plateau-Mont-Royal, Ahuntsic-Cartierville, le Sud-Ouest, Anjou, L'Île-Bizard–Sainte-Geneviève et Villeray–Saint-Michel–Parc Extension sont les arrondissements qui risquent d'avoir besoin d'un prêt à la fin de l'année. D'autres pourraient s'ajouter si leur situation budgétaire se détériore.

«Chaque cas sera étudié, dit à La Presse le vice-président du comité exécutif, Sammy Forcillo, responsable des finances à la Ville. Il y aura des modalités de remboursement, mais on verra à la fin de l'année combien d'arrondissements seront dans cette situation.»

Dans Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, le déficit est de 3,9 millions. Les réserves sont nulles. «Des mesures doivent être prises pour assurer le paiement des obligations contractuelles à l'automne pour les opérations de déneigement, indique un document de l'arrondissement. Des démarches sont en cours avec la ville centre afin de trouver une solution au problème.»

Dans Villeray–Saint-Michel–Parc Extension, la neige a entraîné une perte de 3 millions. L'arrondissement compte vendre un terrain qui lui rapportera 925 000$ pour ramener son déficit à 2 millions... qu'elle devra emprunter à la ville centre, estime la mairesse Anie Samson.

Dans L'Île-Bizard–Sainte-Geneviève, le déficit de 482 900 $ force l'administration à demander de l'aide. «Il y a une entente-cadre avec la ville centre alors on va s'en servir», dit le directeur de l'arrondissement, Jean-Paul Collinge.

Au 30 avril, Rosemont–La-Petite-Patrie accusait un déficit de 5,1 millions. Toutefois, le directeur de l'arrondissement, Paul Bourret, dit que son budget est virtuellement équilibré grâce à 1,5 million que lui doit la ville centre et à un plan de redressement de 3,6 millions déjà mis en place. «On a vidé tous les fonds de tiroirs, dit M. Bourret. On attend aussi 1 million de la vente de permis. Mais on n'a plus de surplus et on espère qu'il n'y aura qu'une seule bordée de neige d'ici la fin décembre, sinon on sera serré.»

Le déficit de 2 millions de Saint-Laurent sera réglé grâce à la réduction des activités, dit le maire Alan DeSousa. Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce se débrouillera aussi sans aide. Son déficit de 1,4 million sera effacé par des fonds de 980 000$ et 450 000$ qui étaient réservés à des travaux d'amélioration. Mais il n'y a plus de coussin...

LaSalle est allé chercher 4,3 millions pour éponger la dépense neige. Il a encore un coussin de plus de 2 millions. « Ça signifie qu'on n'enverra pas de facture supplémentaire à nos citoyens », dit Gervais Lemay, directeur de l'arrondissement. Son homologue de Verdun, Gilles Baril, a pris 1,1 million dans les réserves pour couvrir les dépenses et 800 000 $ pour payer le prochain déneigement. «Verdun a toujours été prudent, dit M. Baril. De plus, lors de la fusion, on avait des surplus qui permettent de couvrir les dépenses de 2 millions supplémentaires de cette année. Il nous reste 3 millions de surplus.»

Dans Saint-Léonard, après l'hiver, le déficit était de 6,2 millions, mais le budget a été équilibré grâce notamment à un surplus de 4,3 millions. Mais il n'y a plus de marge de manoeuvre.

Enfin, Ville-Marie avait un surplus de 5 millions au 1er janvier. Il ne lui en restait plus que 923 000 $ au 30 avril. «Et il n'y a plus rien aujourd'hui, dit le maire Benoit Labonté. On va se débrouiller sans l'aide de la ville centre.»

M. Labonté, comme chef de l'opposition officielle, réitère que les dotations fournies aux arrondissements sont insuffisantes. «Même la meilleure administration dans un arrondissement ne peut combler ce manque, dit-il. Je demanderai une hausse des dotations pour le prochain budget.»