La vie reprend son cours à Montréal-Nord, une semaine exactement après que Fredy Villanueva a été tué par un policier. Six jours après l'émeute qui a suivi, l'angle des rues Rolland et Pascal a été nettoyé. La caserne de pompiers aussi. Le club vidéo devant lequel des émeutiers avaient brûlé une fourgonnette n'a plus d'enseigne, mais il a rouvert ses portes.

Dans le parc Henri-Bourassa, où Fredy jouait aux dés avec ses amis le soir de sa mort, des enfants rigolent, jouent au soccer et au tennis. D'autres passent en vélo. Ce pourrait être n'importe quel autre parc municipal, un soir d'été, à la brunante.

Dans un coin, de nombreuses gerbes de fleurs, des messages et des lampions sont posés près d'un arbre. Des résidants du secteur défilent les uns après les autres, afin de rendre hommage au jeune homme près de l'endroit où il a perdu la vie. Ils sont plus d'une centaine à avoir fait le détour en ce samedi.

Vers 20 h, hier, Martha, la cousine de Fredy, est venue. Elle a allumé quelques lampions. Puis elle est retournée s'asseoir dans sa voiture. Elle a observé la scène pendant de longues minutes en pleurant à chaudes larmes.

«Il y a sept jours, on était ici et on jouait. C'était l'été, dit-elle. Il y a une semaine, on était quelques jeunes et on s'amusait, assis sur un banc de parc. On ne faisait rien de mal.»

Quand les deux policiers les ont accostés, Martha a tenté de retenir ses cousins. Puis, lorsque l'un des policiers a tiré, elle a voulu porter secours à son cousin, qui était gravement blessé. «Mais les policiers m'en ont empêchée, ils m'ont retenue. Je voyais Fredy, je voyais qu'il souffrait et je voulais l'aider, mais je ne pouvais pas.»

Carl a 18 ans lui aussi. Comme Fredy, qui était l'un de ses meilleurs amis. Il était là, le soir du drame. «Montréal-Nord, ça dit tout. C'est Montréal-Nord. Ce genre de chose n'arrive qu'ici. Dès qu'ils arrivent, les policiers pensent que nous sommes coupables. On les a vus passer et repasser des dizaines de fois devant les fleurs de Fredy aujourd'hui. C'est dégueulasse ce qu'ils leur ont fait.»

«J'étais un ami de Fredy. Nous le sommes tous ici, à Montréal-Nord. Je suis venu donner de l'argent à sa famille et me recueillir», dit Fernando, la gorge nouée par l'émotion. «Fredy était un bon gars. Il voudrait que les choses se calment à Montréal-Nord. C'était un gars pacifique.»

La vie reprend son cours à Montréal-Nord. Tout juste derrière l'arbre où l'on a déposé des fleurs, un père joue au soccer avec ses fillettes. Les enfants rigolent tandis que les lampions brûlent à la mémoire de Fredy.