Le poupon abandonné lundi à l'Hôpital général du Lakeshore suscite un engouement inusité. De bons Samaritains engorgent depuis quelques jours les lignes téléphoniques de l'établissement de Pointe-Claire pour adopter l'enfant, surnommé Bébé Juillet.

«C'est comme notre petite vedette !» lance la porte-parole de l'hôpital, Marie-Josée Labrosse, jointe hier.

Bébé Juillet, un nourrisson de cinq livres aux cheveux noirs, avait encore une partie de son cordon ombilical lorsqu'il a été abandonné par sa mère lundi après-midi. La maman a mis le bébé de quelques heures dans les mains d'un employé en pause-café sur le terrain de l'hôpital.

Prétextant devoir aller garer sa voiture, la jeune mère, dont l'identité demeure inconnue, s'est ensuite volatilisée.

Bébé Juillet a passé la semaine à la pouponnière, chouchouté par le personnel.

L'histoire a été médiatisée et a donné le coup d'envoi à une course à l'adoption effrénée.

Ce vent d'altruisme a pris l'hôpital au dépourvu. «On n'est pas équipés pour gérer un tel flot d'appels. On a affecté une employée à temps plein là-dessus, explique Marie-Josée Labrosse. On a reçu des appels le jour, le soir et même la nuit.»

La popularité de Bébé Juillet a même forcé l'hôpital à dépêcher un agent de sécurité devant le pavillon des naissances. «On a eu des gens qui se sont présentés ici seulement pour le voir», raconte Mme Labrosse, ajoutant que les curieux se sont montrés très respectueux.

Le bébé est en parfaite santé et quittera aujourd'hui la pouponnière pour être pris en charge par la Direction de la protection de jeunesse, au centre jeunesse Batshaw de Westmount. C'est d'ailleurs là que les gens auraient dû appeler pour manifester leur désir d'adopter Bébé Juillet, souligne l'intervenant Gérald Savoie.

1000 enfants abandonnés

L'adoption est plus compliquée qu'un coup de fil à la pouponnière. Et alors que les gens se bousculent pour adopter Bébé Juillet, les centres jeunesse du Québec sont constamment à la recherche de familles d'accueil.

«Lan dernier, 1000 enfants ont été abandonnés dans les différents centres. Plus ils sont jeunes, plus il est facile de leur trouver des ressources», explique Gérald Savoie. Mais les enfants plus âgés ont plus de mal à se trouver un toit.

Quant aux bébés naissants abandonnés par des parents disparus sans laisser de trace, ils sont rares. «On va essayer de retracer la mère parce qu'on favorise le retour de l'enfant dans son milieu naturel. Si elle refuse de s'en occuper, elle peut autoriser son adoption, ce qui est la manière la plus rapide de trouver de nouveaux parents», explique M. Savoie.

Si la mère ne se manifeste pas, les procédures sont plus longues. Selon le Code civil, l'enfant est déclaré «adoptable» après six mois.

Il est important de faire des distinctions entre les familles d'accueil et les parents adoptifs. Les premiers accueillent des enfants à plus ou moins long terme et leurs parents biologiques gravitent souvent autour de la nouvelle famille. Pour leur part, les parents adoptifs veulent élever seuls l'enfant et avoir en poche tous les documents juridiques.

Des listes d'attente de 10 ans

Les gens devront se lever tôt s'ils veulent adopter un nourrisson comme Bébé Juillet. «Pour les bébés naissants, il y a une dizaine d'années d'attente», souligne Claire-Marie Gagnon, présidente de Fédération des parents adoptants du Québec.

Selon elle, environ 1000 parents québécois adoptent des enfants chaque année. Comme les nouveau-nés sont une denrée rare, les parents doivent se retourner vers les « banques mixtes », qui regroupent des enfants un peu plus âgés offrant de meilleures possibilités d'adoption. Mais les candidats sont alors plus difficiles à dénicher, puisque les parents biologiques sont souvent dans les parages.

Les enfants sont plus écorchés aussi. «Souvent, ce sont des enfants retirés de leurs familles pour des problèmes de négligence, mauvais traitements, consommations de toutes sortes», énumère Mme Gagnon.

Des parents se tournent aussi vers l'adoption internationale, en baisse depuis deux ans. «Les délais d'attente sont trop longs. Pour la première fois en 20 ans, je vois des gens se désister», note Mme Gagnon. Il faut s'armer de patience pendant trois à cinq ans avant d'accueillir un bébé chinois, ajoute-t-elle.

Jeune mère

Par ailleurs, du côté de la police, on n'a toujours aucune trace de la jeune maman en cavale. Le Service de police de la Ville de Montréal assure ne pas vouloir l'accuser de quoi que ce soit.

«Les femmes en détresse n'ont pas besoin de poser de tels gestes, on a des

services», résume Marie-Josée Labrosse, de l'Hôpital général du Lakeshore.