Pour une seconde fois en quelques semaines, la direction du Service de police de Laval est amenée à réaliser que les méthodes de travail de ses policiers sont périlleuses pour eux. L'examen des circonstances entourant la mort violente des policiers Valérie Gignac et Daniel Tessier, tous deux de Laval, le démontre.

Mercredi, c'était au tour de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) de faire ce constat à la suite de l'enquête menée sur le décès par balles de la policière Valérie Gignac, en décembre 2005. L'inspecteur Jean-Guy Bergeron conclut que la décision de défoncer la porte du logement d'un individu en colère et agité avait été prise alors que la situation ne s'y prêtait pas. Il juge en outre que la décision de la policière Gignac de se placer devant la porte pour la défoncer était inappropriée et susceptible de mettre sa vie en danger.

«Se placer face à une porte sans savoir ce qui se trouve derrière peut compromettre la sécurité du patrouilleur. Il peut y avoir une personne armée, comme dans le présent cas, (...) capable de blesser mortellement le patrouilleur ou toute autre personne entrant dans le local», écrit l'inspecteur.

«Les patrouilleurs connaissaient l'individu pour l'avoir mis en état d'arrestation. Lors de cette arrestation la policière Gignac avait négocié longtemps avec lui avant qu'il décide d'ouvrir sa porte et de suivre les patrouilleurs», signale également l'inspecteur Bergeron.

Malgré son état de colère, l'individu répondait à l'agente qui l'interpellait. La situation ne présentait aucune urgence. «La communication étant établie, celle-ci aurait dû être maintenue avec l'individu afin de l'amener à ouvrir sa porte lui-même», commente l'inspecteur.

Celui-ci souligne que les policiers de Laval n'ont jamais reçu de formation pour forcer l'ouverture d'une porte, de sorte qu'ils improvisent. De même, la formation acquise à l'Ecole nationale de police du Québec (ENPQ), quant à la prise de décision lors d'une intervention, n'a pas été rafraîchie depuis leur arrivée sur le marché du travail, déplore-t-il.

Un semblable problème de formation a été soulevé à la mi-juin, à l'issue du procès de Basil Parasiris relatif à la mort par balles du policier Daniel Tessier. Il y est clairement ressorti que l'opération policière menée le 2 mars 2007 à Brossard au domicile de M. Parasiris, avant le lever du jour, avait été mal préparée.

Dans les heures qui ont suivi l'acquittement de l'accusé, le directeur de la police de Laval, Jean-Pierre Gariépy, avait d'ailleurs indiqué qu'il allait demander que soit revue, entre autres, la formation des policiers en ce qui a trait à l'entrée par surprise.

Pour sa part, le lieutenant Daniel Guérin, porte-parole du service de police de Laval, a fait remarquer mercredi que des mesures ont été mises en place depuis le décès violent de la policière Gignac. Depuis janvier 2006, une formation de deux jours a été fournie aux quelque 500 policiers du service sur «l'entrée surprise» et sur le processus de prise de décision.

«Les policiers examinent dans quelles circonstances il y a lieu de prendre du temps pour poser un geste, faire une intervention, et dans quels cas il faut défoncer et faire le travail parce qu'il y a une crise à l'intérieur», a expliqué le policier Guérin.

Celui-ci reconnaît que les deux événements grandement médiatisés que sont les décès de Daniel Tessier et de Valérie Gignac ont pu porter ombrage au service de police de Laval.

«C'est sûr et certain que quand deux événements comme ceux-là surviennent, il peut y avoir une perception négative des citoyens. Mais le service de police de Laval est très professionnel. On ne parle pas à tous les jours de tous nos bons coups, des cas où on a sauvé des gens. Malheureusement ces deux incidents ont été hautement médiatisés. Dans toutes les organisations, des choses arrivent et des ajustements sont faits par la suite», a fait valoir le lieutenant Guérin.

Du côté de l'École nationale de police du Québec, la porte-parole Andrée Côté a reconnu que les techniques d'ouverture forcée d'une porte n'y sont pas enseignées. Au retour des vacances, au moment de la révision du programme de formation des patrouilleurs, la question d'ajuster la formation à cet égard sera à l'ordre du jour.