Une semaine à Vancouver suffit amplement à exposer les profondes différences qui marquent la gastronomie d'Ottawa-Gatineau et celle de la métropole de la Colombie-Britannique. Ces différences sont de trois ordres : la présence de la mer, l'importance de l'aliment local, et l'influence de l'Asie.

Une semaine à Vancouver suffit amplement à exposer les profondes différences qui marquent la gastronomie d'Ottawa-Gatineau et celle de la métropole de la Colombie-Britannique. Ces différences sont de trois ordres : la présence de la mer, l'importance de l'aliment local, et l'influence de l'Asie.

Plus de 4600 kilomètres nous séparent de Vancouver et l'omniprésence du poisson sur les meilleures tables de l'endroit surprend même l'oeil qui s'y attend. Cela n'a rien à voir avec nos restaurants spécialisés dans les produits de la mer, notamment Flippers (Cote Jury 14/20, juillet 2005), One Fish Two Fish (Cote Jury 13,5/20, mai 2007), Poissonnerie Lapointe (Cote Jury 11/20, novembre 2005), Fish Market (Cote Jury 13/20, juillet 2004) et autres Capital Fish. Le peu de variété de nos restaurants fait pitié en comparaison : à peu de choses près, ce sont toujours les mêmes pétoncles, crevettes et le trio régulier saumon-thon-tilapia. Et les présentations sont souvent pas mal les mêmes, et les premières qu'il faut décrier sont les fritures lourdes et grasses.

Vancouver est né parce qu'il offrait une ouverture sur l'océan Pacifique abrité par la gigantesque île de Vancouver. Même des baleines s'amusent parfois à poursuivre les otaries et autres petites bêtes qui viennent s'amuser aux abords de Vancouver ou de ses banlieues du côté nord du fleuve Fraser, North et West Vancouver. La pêche y a attiré les peuples autochtones depuis des millénaires, et l'homme blanc à la fin du xviiie siècle.

Une spécialité

Plusieurs restaurants de Vancouver se spécialisent dans les produits de la mer, tout en les préparant autrement que bêtement grillés ou en friture. L'un des plus marquants s'appelle tout simplement "C", ce qui est accrocheur tout en jouant sur le son du mot sea (anglais pour mer). Ouvert depuis 10 ans et dirigé... par un chef montréalais d'origine, Robert Clark, depuis longtemps passionné par le pourtour du Pacifique. Une salle à manger comme une énorme verrière, et un patio presque aussi vaste, qui donne sur un plan d'eau que les locaux appellent False Creek, l'une des petites baies que Vancouver a depuis longtemps enjambé dans son développement effréné vers l'est et le sud, où la frontière avec les États-Unis pose une limite bien nette.

Il n'est pas le seul à jouer sur l'eau : à preuve les Blue Water Café, Dockside Restaurant, Goldfish Pacific Kitchen, The Mill Marine Bistro, Monks, etc.

Le produit local

Au plan de la nourriture, les consommateurs avisés sont de plus en plus torturés entre les produits biologiques et les produits locaux. Les premiers ont l'avantage d'être le fruit de pratiques respectueuses de l'environnement, sans engrais chimique, sans hormone de croissance, dans le plus grand respect de la nature. Les seconds ont l'avantage d'être le fruit de notre terroir avoisinant, d'être d'une extrême fraîcheur parce que récoltés tout près, de soutenir les producteurs agricoles et l'économie locale.

Si les dîneurs sont placés devant ce "dilemme d'omnivore" (comme l'a baptisé l'auteur et polémiste Michael Pollan), c'est que nos aliments, trop rarement biologiques et locaux, expliquent la popularité croissante du programme "ASC", pour Agriculture supportée par la communauté.

À Vancouver, il semble que les gourmands aient fait leur choix. Ils préfèrent le produit local au produit biologique. Ce n'est pas étonnant que le mouvement "100-Mile Diet" - la diète de 100 milles, dont je vous ai parlé ce printemps - soit né de l'esprit de deux Vancouvérois.

Le mouvement est bien perceptible et la plupart des restaurants de bon niveau spécifient sur leurs menus leur préférence aux produits locaux... et bien rarement aux produits biologiques.

Enfin, l'Asie

L'Asie, en dernier lieu, mais pas le moindre, est la troisième influence majeure de la cuisine vancouvéroise. Elle est omniprésente. Asiatiques et Indo-Canadiens forment 28 % de la population d'environ 2,5 millions de personnes à Vancouver. L'impact de leurs goûts alimentaires n'est pas moins présent. Qu'ils soient de Hong Kong, de la Chine, du Japon, de l'Inde, du Vietnam, de Thaïlande, du Pakistan ou d'ailleurs, ils sont bien visibles à Vancouver et la gastronomie le reflète bien.

J'y ai visité un izakaya, un pub de style japonais bruyant, un restaurant haut de gamme (Sun Sui Wah) proposant des mets totalement introuvables à Ottawa (pigeonneau grillé, aileron de requin, "abalone" braisé, ou ormeau, etc.). Ce n'est que par manque de temps, et non d'appétit, que j'ai dû faire une croix sur un resto indien acclamé, Vij's, et de nombreux autres petits établissements moins connus, moins chics, mais où l'on mange superbement bien.

pjury@ledroit.com