Pierre Bannon et Suzanne Labbé « vont aux oiseaux » plusieurs fois par semaine. Comme une foule d’autres au Québec et partout dans le monde, ces ornithologues amateurs de longue date notent leurs découvertes dans leurs carnets d’observations. Pierre Bannon détient d’ailleurs le record québécois d’espèces observées.

La vedette de l’heure était de passage à Gaspé. C’était le 9 juillet dernier. En lisant le message, Pierre Bannon et Suzanne Labbé sont devenus fébriles. Après de rapides préparatifs, ils ont sauté dans la voiture, fait presque 10 heures de route pour dormir, épuisés, à Sainte-Anne-des-Monts. Puis, après une nuit très courte et un autre bout de route, ils ont enfin pu admirer le grand pêcheur sur le bord de la rivière York. « C’était extraordinaire. Il était là, juché dans un arbre dans toute sa splendeur, en train de surveiller les saumons en vue d’un repas. Imaginez, c’était la première fois que l’on signalait un pygargue empereur au Canada », raconte Suzanne Labbé, encore enchantée par son aventure.

PHOTO SASCHA WENNINGER, TIRÉE DE WIKIPEDIA COMMONS

Installé depuis le début de l’hiver sur la côte du Maine et du Massachusetts, le pygargue empereur observé l’été dernier en Gaspésie avait d’abord été signalé en Alaska en août 2020, puis au Texas en mars 2021. L’individu ci-contre a été photographié au Japon.

Si l’impressionnant rapace venu de la Russie ou du nord du Japon est spectaculaire, il n’est pas le seul oiseau à avoir fait courir le couple d’ornithologues amateurs au fil des années. Sur 471 espèces déjà signalées au Québec, Pierre Bannon en a consigné 416 dans son carnet d’observations. C’est lui qui détient le record. Sa compagne est au 14e rang avec 383 espèces. Sans oublier les quelques milliers observées à l’étranger par le couple de retraités de Saint-Bruno-de-Montarville. Et encore aujourd’hui, ils « vont aux oiseaux » plusieurs fois par semaine. « On pourrait parler d’une forme de maladie », explique Pierre Bannon en riant.

Mais c’est avant tout un grand amour des oiseaux, un esprit de découverte, une activité de plein air qui devient à la fois une rencontre sociale, une compétition amicale, en plus d’être une contribution scientifique, puisque nos observations sont toutes compilées dans la base de données internationales eBird. C’est très gratifiant.

Pierre Bannon, ornithologue amateur

6059 espèces, 45 pays

Retraité lui aussi, Réal Bisson, a travaillé des années comme naturaliste. Il est le Québécois qui compte le carnet le plus garni à l’échelle mondiale — il est au 54rang. On y trouve 6059 noms sur les 10 624 que compte le répertoire des espèces. Jusqu’à maintenant, il a visité 45 pays avec son télescope et ses jumelles. « Nous sommes un peu des collectionneurs, dit-il. À l’époque, la recherche sur les oiseaux se déroulait au fusil. On les tuait pour les décrire, les classer, leur mettre un nom et monter de grandes collections de spécimens, d’œufs, de nids. Aujourd’hui, les centaines de milliers d’amateurs collectionnent leurs observations partout dans le monde et contribuent à leur façon à l’évolution de la science. »

  • Un des spectaculaires coqs-de-roche orange observés par Réal Brisson et Carolle Mathieu lors d’un voyage en Colombie

    PHOTO FOURNIE PAR CAROLLE MATHIEU

    Un des spectaculaires coqs-de-roche orange observés par Réal Brisson et Carolle Mathieu lors d’un voyage en Colombie

  • Espèce timide de haute montagne, ce tragopan satyre a été photographié au Bhoutan lors d’un voyage ornithologique du couple Bisson-Mathieu.

    PHOTO FOURNIE PAR CAROLLE MATHIEU

    Espèce timide de haute montagne, ce tragopan satyre a été photographié au Bhoutan lors d’un voyage ornithologique du couple Bisson-Mathieu.

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Avant de se diriger avec sa conjointe vers un nouveau pays, Réal Brisson étudie durant des semaines les espèces convoitées, leurs chants et leurs habitats.

Dès les premiers oiseaux, c’est la grande poussée d’adrénaline, la joie de découvrir de nouvelles espèces, parfois une centaine dans une seule journée, le plaisir de partager tous ces moments magiques, même les déceptions.

Réal Bisson, ornithologue amateur

En Papouasie–Nouvelle-Guinée, il raconte avoir attendu vainement une heure dans un ravin à enlever les sangsues qui grimpaient sur ses jambes. M. Bisson reconnaît aussi que pour s’offrir de telles aventures, il faut disposer de temps et d’argent. « Voilà un bon moment que j’ai troqué le chalet pour les oiseaux. Chacun son plaisir. »

« Une journée sans oiseau est une journée perdue »

Dans la jeune quarantaine, Samuel Denault, biologiste pour une grande firme d’ingénierie, raconte qu’à l’âge de 14 ans, il a découvert une mouette rosée au bassin de Chambly, une première présence au Québec pour cette espèce du Grand Nord. Son enthousiasme ne s’est jamais démenti depuis.

  • Originaire du sud des États-Unis, ce joli moucherolle vermillon a été photographié en mai dernier, à Laval. C’était la troisième mention de cet oiseau au Québec.


    PHOTO FOURNIE PAR SAMUEL DENAULT

    Originaire du sud des États-Unis, ce joli moucherolle vermillon a été photographié en mai dernier, à Laval. C’était la troisième mention de cet oiseau au Québec.

  • Originaire de l’Ouest américain, cette paruline à tête jaune est la seule à avoir été photographiée à ce jour au Québec. C’était en 2013, à Tadoussac.

    PHOTO FOURNIE PAR SAMUEL DENAULT

    Originaire de l’Ouest américain, cette paruline à tête jaune est la seule à avoir été photographiée à ce jour au Québec. C’était en 2013, à Tadoussac.

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Quand tu découvres un oiseau rare, surtout si tu es le premier à le voir, ça te procure une émotion incroyable.

Samuel Denault, ornithologue amateur

M. Denault est au troisième rang quant au nombre d’espèces inscrites à sa liste québécoise, soit 413. Pour sa part, Pierre Poulin, de Pabos, en Gaspésie, ne sait plus combien de voyages ornithologiques il a faits, mais son carnet compte 5911 espèces, ce qui lui confère le 60e rang mondial. « Certaines de ces espèces m’ont dressé le poil sur les bras tant l’excitation était grande. » Aujourd’hui, il « bouge moins », dit-il. Mais qu’il soit au Québec ou ailleurs, « une journée sans observer les oiseaux est une journée perdue ».

Une question de crédibilité

Comment déterminer la crédibilité d’une observation ? « La grande majorité des observations sont appuyées par des photos, explique Suzanne Labbé, qui est aussi réviseure eBird. Si l’observateur est seul, on exigera une foule de détails pertinents avant de confirmer sa découverte. » Mais un oiseau rare attire habituellement de nombreux observateurs, ce qui laisse peu d’espace de manœuvre aux tricheurs.

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Endroits réputés au Québec pour leur diversité d’oiseaux

Réserve nationale du Cap-Tourmente

312 espèces observées

Îles de Boucherville

265 espèces observées

Refuge faunique Marguerite-Youville

249 espèces observées

Parc national Forillon

246 espèces observées

Jardin botanique de Montréal

211 espèces observées