Il y a du nouveau au mont Mégantic. Après vous avoir vanté le bonheur d'en gravir le sommet, voici qu'on vous propose d'en faire le tour. À pied, pour mieux apprécier les beautés d'une région qui ne souffre pas d'un excès de touristes.  Récit d'un périple pour voyageurs en quête de calme.

Mégantic sous tous ses anglesTrois itinéraires ont été développés par les organisateurs du Parcours de marche au coeur de Mégantic. Nous avons testé la boucle de 4 jours et 74 km encerclant le massif. Compte-rendu.

KM 0: Val-Racine

Val-Racine est petit. Minuscule, même: à peine 200 habitants et un coeur de village qui se résume essentiellement à une intersection où se tutoient une auberge, une école transformée en centre communautaire puisqu'il n'y a plus d'enfants scolarisés ici, une église capable de contenir 10 fois plus de fidèles qu'il n'en reste aujourd'hui, mais qui n'a rien perdu de sa stature, blanche et fière. C'est ici que tout commence, et que tout se terminera pour les marcheurs qui auront choisi le parcours de 74 km du Chemin des 4 monts. On ajuste le sac à dos et le laçage des bottes une dernière fois avant d'avaler les premiers kilomètres du circuit encerclant le parc national du Mont-Mégantic. Devant, une route déserte, encadrée d'une forêt parfois très dense. Un Québec profond, à tout juste trois heures de Montréal.

KM 11,1: Marais des Scots

On entre ici dans l'une des plus belles portions du parcours - et probablement l'une des plus fréquentées des marcheurs: le marais des Scots. Pendant les 7,5 prochains kilomètres, on parcourra un sentier louvoyant entre les arbres d'une forêt mixte mature, croisant ici le tracé d'un ruisseau tortueux aux rives bordées de galets, puis la rivière au Saumon, avant de déboucher dans le coeur de Scotstown. Avec un peu de chance, on croisera quelques oiseaux migrateurs. On peut profiter des nombreuses aires de repos aménagées tout le long du parcours pour faire escale pour le lunch. De loin le meilleur endroit de la journée pour arrêter.

KM 18,8: Scotstown

Les gourmets connaissent Scotstown pour les excellentes charcuteries du boucher local; les amateurs de théâtre, pour la pièce homonyme de Fabien Cloutier. Rares sont les autres qui auront déjà entendu parler de ce village, où l'on ne peut même pas, justement, parler avec son cellulaire, puisque de réseau, il n'y a point ici. Il y en a pourtant bien des choses à dire de ce charmant village au riche passé qui remonte aux prémisses de l'immigration écossaise dans les Cantons-de-l'Est, fondé non pas par le clergé, mais essentiellement pour des raisons commerciales: l'exploitation de la potasse, puis de la forêt. Le village de 470 habitants a conservé de ces jours fastes de fort belles maisons victoriennes et un charme certain.

KM 32,1 à 38,5: Chemin de Cohoes

Il ne faut pas penser que puisqu'on fait le tour de la montagne, on n'aura pas aussi à affronter quelques solides côtes. Sur ce chemin, la route s'étire droite comme un i, mais ses courbes de niveau serpentent d'un pic à l'autre: on monte, on descend, encore et encore, tout comme on le fera le lendemain, sur le chemin du Petit-Canada. C'est dur. Mais joli: en août, les champs sont dorés, gorgés de rayons de soleil. 

KM 40,7: La Patrie

On ne s'assoit pas sur un banc à La Patrie comme à Montréal. Parce qu'on ne le fait pas (seulement) pour se délasser: on est ici dans une réserve internationale de ciel étoilé, c'est-à-dire qu'on tâche d'y avoir aussi souvent que possible les yeux rivés vers le haut, d'où ces bancs, anormalement inclinés vers l'arrière. Le repos y est doux, après les 22 km avalés depuis le départ de Scotstown, au petit matin. Avant que tombe la nuit, on admire le mont Mégantic: d'ici, on voit le piton créé par l'Observatoire et c'est un profil plus dentelé que nous offre le massif. Car c'est ce qui surprend le plus dans ce voyage, combien la montagne change, au fil des kilomètres, alors qu'on la contourne et l'observe sous tous ses angles. Chacun découvrira son préféré au fil des heures. Ici, le nôtre.

Photo Simon Giroux, La Presse

Le village de Scotstown.

KM 50,4: Chute

Un détour? Oui, même dans une journée de marche qui en prévoit minimalement 22,5 km, on vous conseille d'en ajouter quelques-uns de plus (2,6 km pour l'aller-retour), jusqu'à la chute de la base de plein air de La Patrie, un vrai paradis caché puisque la signalisation pour s'y rendre est un peu déficiente (la conceptrice du parcours de marche, Chantal Ladouceur, affirme que les affiches sont régulièrement arrachées par des gens qui préféreraient y voir le moins de touristes possible), mais on promet de l'améliorer. L'eau fraîche ravive les mollets, les rochers sont plats et plaisants: le plus bel endroit de tout le parcours pour pique-niquer.

KM 64 À 74: Notre-Dame-des-Bois

Encerclé par les montagnes, le village de Notre-Dame-des-Bois est aussi l'un des plus haut perchés du Québec, à 555 m au-dessus du niveau de la mer. «Enfin», soupirent les pieds quand on y arrive depuis La Patrie. La route est longue: après avoir profité des chutes de La Patrie, puis traversé une jolie forêt (4 km), il faut surmonter les 8 km restants sur le 8e Rang, puis la route de l'église, où les voitures circulent parfois rapidement et les maisons sont moins coquettes: une portion plus ingrate, comme il y en a aussi sur le fameux sentier de Compostelle, récompensée à l'arrivée dans un village plus animé que les autres du secteur, notamment grâce à l'auberge Au Vaillantbourg et à son petit resto du terroir, à sa vue imprenable sur les monts Mégantic et Saint-Joseph. Une limonade maison, un livre, beaucoup de repos, grande récompense. Il ne restera plus que 10 km pour rejoindre Val-Racine et le fil d'arrivée.

Photo Simon Giroux, La Presse

La chute de la base de plein air de La Patrie.

Avant de partirQuelques trucs et conseils pour bien organiser votre randonnée autour du mont Mégantic.

En soloSi la plupart des marcheurs viennent à deux ou en groupe, quelques marcheurs - surtout des femmes - affrontent le défi en solo. Comme nous l'avons testé, d'ailleurs. Dans ces conditions, il est rassurant de savoir qu'un employé de Randonnée Mégantic circule en voiture tous les jours sur les portions carrossables du parcours et peut raccompagner les marcheurs fatigués à leur auberge. On vous remettra aussi le numéro de cellulaire d'un responsable du parcours à composer en cas de pépin. Sachez toutefois que certains secteurs sont dépourvus de couverture cellulaire.

DormirUne liste d'hébergements est proposée aux marcheurs, du camping plus spartiate à l'auberge la plus douillette. Prenez soin de réserver, les chambres sont peu nombreuses et se remplissent vite l'été, encore plus pendant la période des Perséides. 

Nos coups de coeur

> L'Auberge des 3 étangs, à La Patrie, pour son propriétaire mordu d'astronomie toujours prêt à transmettre sa passion.

> L'Auberge Au Vaillantbourg, pour ses beaux jardins et les plats savoureux qu'on y prépare.

Manger Les petits-déjeuners servis dans les auberges sont généralement copieux, parfaits pour soutenir le marcheur jusqu'à midi. Certaines offrent même des services de boîtes à lunch le midi. Sinon, il faut prévoir les provisions : on croise rarement d'épicerie ou de restaurant sur le sentier. Prévoyez toujours des collations, une bonne réserve d'eau, et le carré de chocolat pour le coup de barre de 16h.

Autres parcoursTrois parcours sont proposés par Chantal Ladouceur: celui de 74 km autour du mont Mégantic, présenté ici, un de 41 km, de Val-Racine à Mégantic, en passant par Piopolis, et un de 115 km, englobant les deux premiers, à faire en 5 jours. Dans ce cas-ci, un service de navette est proposé pour vous raccompagner à votre voiture (15 $).

Quand?Le sentier est officiellement ouvert du 15 mai au 15 septembre: il ferme tôt, avec le début de la saison de la chasse qui a cours dans plusieurs secteurs du circuit. Attention au soleil, très chaud en août et, en mai, au risque de neige.

ÉtoilesCe sentier est situé en plein coeur de la Réserve internationale de ciel étoilé du mont Mégantic: il faut absolument en profiter, par exemple en ajoutant une nuitée de plus au voyage pour visiter l'Astrolab, ou, à tout le moins, en prenant quelques minutes pour observer la Voie lactée, facile à distinguer par temps clair.

Photo Simon Giroux, La Presse

Le projet-surprise d'une vieOn a peine à croire Chantal Ladouceur quand elle assure qu'elle ne marchait jamais, ou presque, il y a deux ans à peine. Du mal à le croire, parce que le sentier de randonnée autour du mont Mégantic, c'est elle qui en a eu l'idée. Elle qui a porté le projet et permis sa réalisation.

«J'ai voulu aider Lac-Mégantic après la tragédie [l'accident ferroviaire du 6 juillet 2013] et j'ai cherché quoi faire, explique-t-elle. Mais très vite, on m'a dit que ce n'était pas seulement Lac-Mégantic qui avait besoin d'aide, mais tous les petits villages de la région, qui n'allaient pas très bien.» Les touristes sont difficiles à attirer ailleurs qu'au mont Mégantic et difficiles à garder plus de 24-48 h dit-elle. D'où l'idée de leur proposer un circuit échelonné sur plusieurs jours, passant par plusieurs municipalités différentes.

Chantal Ladouceur (épaulée par son ami, Daniel Montpetit) a épluché les cartes de la région pour repérer un parcours à la fois réaliste et agréable, empruntant parfois des sentiers de véhicules tout-terrain (4x4) en pleine forêt, parfois des sentiers de vélo, parfois des routes provinciales, où il faut alors marcher dans l'accotement (40 % du parcours environ). Les plus belles portions sont évidemment celles en pleine nature, même si l'isolement se fait alors davantage sentir.

«Quand j'ai présenté mon projet, on m'a dit: "Pourquoi personne n'y a pensé avant?" Tout était là, il suffisait de relier les points.»

Les marcheurs qui s'inscrivent auprès de son organisme (un OBNL), Randonnée Mégantic, obtiennent un guide de marche bien documenté sur la région, la possibilité de faire transporter leurs bagages pendant la journée (15 $ par jour) et un ange gardien au bout du cellulaire en cas de soucis.

L'an dernier, une quarantaine de marcheurs se sont inscrits. Au 8 août cette année, il y en avait 119. «Il y a plus de femmes que d'hommes, note Chantal Ladouceur. Beaucoup d'amies ou de soeurs qui veulent passer un moment ensemble.» Certains viennent se pratiquer en vue d'un voyage à Compostelle, ou précisément parce qu'ils n'ont pas les moyens d'aller à Compostelle. Dans tous les cas, ils trouveront, ici, la tranquillité.

Photo Simon Giroux, La Presse

Chantal Ladouceur est couturière en milieu hospitalier: elle a pris une année de congé pour s'occuper du projet de circuit de marche autour du mont Mégantic.