Prisés des étrangers et des Argentins à la recherche de nouvelles sensations, les restaurants chez les particuliers se multiplient à Buenos Aires où ils offrent un havre de paix exclusif et discret.

«Les restaurants privés sont en plein développement», dit Alejandro Langer, 33 ans, l'un des 40 chefs qui ont choisi l'option «chez soi». «Les étrangers cherchent à sortir du circuit classique et les Argentins, lassés des restaurants traditionnels, recherchent davantage d'intimité», dit-il.

Langer, ancien photographe, a d'ailleurs appelé son restaurant du quartier branché de Villa Crespo «La cuisine discrète».

«Les gens se sentent à l'aise car ils peuvent rester autant qu'ils veulent : dans les restaurants classiques, en revanche, les clients savent qu'ils doivent libérer la table pour le prochain service», dit-il.

La table d'Alejandro Langer est ouverte les soirées du jeudi, vendredi et samedi. D'autres restaurants ouvrent seulement deux soirées par semaine, voire une seule.

Quelques mesures de sécurité s'imposent. On vous appelle, par exemple, à la dernière minute pour vous donner l'adresse exacte : on ne va pas dans un lieu public mais bien chez des gens.

On paie le repas en moyenne entre 130 et 160 pesos (33$ à 41$), sans le vin, une bouteille coûtant environ 80 pesos (21$).

Langer a laissé ses photos de famille autour de la salle à manger, qui redevient la salle de jeu de sa fille lorsque les huit petites tables éclairées à la bougie ne sont plus là.

«Je n'en veux pas plus, autrement je ne peux plus parler aux clients, on perd le contact direct», dit-il, tout en préparant un médaillon enroulé dans de la pancetta à la sauce café, le plat principal de son «menu fusion».

Cette expérience a été importée des fameux «Paladares» cubains, montés chez des particuliers. Mais, alors qu'à La Havane, ces restaurants sont nés de la pénurie, du besoin de recevoir des étrangers pour survivre, à Buenos Aires l'expérience se veut sophistiquée.

«Il s'agit de changer l'offre gastronomique», dit Langer.

La tendance est telle que certains restaurants qui avaient pignon sur rue ferment pour rouvrir discrètement à l'intérieur d'une maison ou dans un appartement.

C'est le cas du chef français Paul Gillet, originaire de Bretagne dont le premier restaurant était à Buenos Aires au coeur du quartier de San Telmo, connu pour ses antiquaires et ses demeures d'un autre temps.

Lui et sa femme Corinne se sont lassés de «travailler pour payer le loyer».  «Les gens qui viennent ici sont pour la plupart des Argentins à la recherche de calme et de discrétion», dit Paul Gillet tout en ouvrant des huîtres, tandis que sa femme veille à chaque détail du service.

C'est ici encore plus intime que chez Langer : six personnes s'apprêtent à dîner comme s'ils étaient chez des amis.

«La cuisine des restaurants privés est très différente», fait valoir Alan, un Américain résidant à Buenos Aires. «Les chefs se font plaisir, c'est une expérience bien plus authentique», estime-t-il.

«Les prix sont souvent raisonnables : les restaurants privés sont parfois même moins chers qu'un restaurant traditionnel», poursuit Alan, à Buenos Aires depuis quatre ans. «On est plus à l'aise et dans une atmosphère qui vous change», dit-il.