Le voyageur québécois tente souvent de se défiler, lorsque vient le moment de donner des pourboires au guide et au chauffeur à la fin d'un circuit. Et les grossistes s'en alarment.

«Leur pingrerie risque de couper aux opérateurs québécois l'accès aux bons guides, qui sont toujours très en demande dans les pays étrangers, lance Michel Larivière, directeur du marketing du grossiste Tours Hai International. Les guides sont des pigistes qui peuvent choisir les groupes qu'ils accompagnent en fonction de leur origine.»

Et les pourboires constituent souvent l'essentiel de leur rémunération. Selon Colette Girard, directrice des ventes de Jolivac, les Québécois souffrent du syndrome «Je ne veux pas me faire avoir». «Dans le cas d'un circuit de groupe, l'usage veut qu'à la fin, chaque client donne l'équivalent de 2 $ ou 3 $ par journée de travail au guide et 1 $ ou 2 $ au chauffeur, dit-elle. Or, bien des voyageurs ne donneraient rien ou distribueraient des montants dérisoires si l'accompagnateur ne s'en mêlait pas. C'est pire lorsqu'il s'agit de circuits avec guide et chauffeur privés. Un de nos correspondants nous a rapporté le cas de deux couples qui avaient fait une tournée de 10 jours avec un guide et un chauffeur privés et qui avaient généreusement donné 2 $ à la fin du voyage.»

Julie Chagnon, directrice des ventes de Sultana Tours, remarque que le problème se pose encore avec plus d'acuité dans le cas des «longs séjours» d'hiver. «Le client qui achète un long séjour en pays méditerranéen considère son forfait dans le même esprit que s'il avait acheté un séjour dans un tout-inclus dans le Sud, dit-elle. Or ce n'est pas le même produit. Le personnel des salles à manger, par exemple, s'attend à des pourboires, tout comme les guides lors des excursions.»

Dans le cas des circuits en groupe, la plupart des grossistes prennent soin de suggérer un barème de pourboires dans les documents qu'ils remettent aux voyageurs avant le départ.

«Mais la majorité des clients ne prennent pas la peine de lire attentivement cette documentation», estime Johanne Côté, directrice de Club Voyages Solaris, à Laval. Les accompagnateurs de circuits se transforment souvent en percepteurs. «Si nous ne le faisions pas, la majorité des clients essaieraient de se défiler», assure Marc Boulanger, de Club Voyages Tourbec à Québec, qui accompagne régulièrement des circuits commercialisés par plusieurs grossistes.

Enseignant à la retraite, Rodolphe Chartrand accompagne chaque année de trois à cinq groupes pour Tours Chanteclerc. «Si je laissais le choix aux clients, ils donneraient trop peu ou ils ne donneraient rien: c'est la nature humaine, dit-il. L'expérience m'a appris qu'il faut mettre les choses au point dès le début du voyage. Je profite toujours d'un cocktail pour demander aux voyageurs de me confier la somme prévue pour les pourboires. S'il s'agit d'un circuit de 14 jours, je suggère 70 $ par personne. Si je le demande à la fin du voyage, il se trouverait toujours des gens pour se défiler, mais au début du circuit, ils ont trop peur de passer pour des pingres aux yeux du groupe.»

Dans les commentaires d'appréciation que les grossistes demandent à leurs clients de formuler au retour, beaucoup de consommateurs expriment le souhait que les pourboires soient inclus dans le prix du circuit. «Mais cela annihilerait l'effet de stimulation qui est à la base de la notion de pourboire, dit Michel Larivière. Après tout, l'objectif est aussi d'inciter le guide et le chauffeur à livrer la meilleure performance possible!»