«Combien de vacanciers sont allés à Orlando et à Las Vegas l'an dernier?» demande Maurice Zarmati, président de Costa Cruise Line, cinquième entreprise mondiale de croisières. Réponse: 48 millions à Orlando et 50 millions à Las Vegas, en comptant ceux qui n'y ont pas passé une nuit. «Et combien sont-ils à avoir effectué une croisière?» reprend le président de Costa, avant de donner la réponse: 12,6 millions.

Et Maurice Zarmati d'aligner les chiffres: «Le prix moyen d'une croisière en Méditerranée s'élève à 225$ par jour. À Las Vegas, une chambre coûte au bas mot 300$ par nuit, donc 150$ par personne. Un repas du soir y est facturé une bonne cinquantaine de dollars pour une qualité moindre que celle que nous offrons dans nos restaurants à bord. Une bouteille que nous vendons 25$ sur nos navires coûte 50$ à Vegas. En incluant les spectacles et les distractions, les boissons et la nourriture, un séjour à Las Vegas revient de 30% à 50% plus cher qu'une croisière, mais Las Vegas attire quatre fois plus de vacanciers. Pourtant, tous les paquebots ont des casinos à bord. C'est un défi à la logique!»

Le président de Costa a beau se plaindre, la croisière est le produit «voyage» pour lequel la demande enregistre le taux de progression le plus élevé. Lorsque Carnival a affecté un premier navire dans les Caraïbes, en 1972, moins de 60 000 personnes ont acheté une croisière. Les paquebots étaient essentiellement un moyen de transport long-courrier et non un centre de villégiature flottant. Mais 35 ans plus tard, le nombre de croisiéristes a été multiplié par 200. Et les compagnies lancent chaque année de nouveaux navires toujours plus gros.

Cent cinquante paquebots sont en service dans le monde, et une cinquantaine sont en construction. Ainsi, Costa, qui exploite une flotte de 12 navires et en a commandé cinq autres, lancera deux nouveaux paquebots l'été prochain: le Costa Luminosa et le Costa Pacifica, respectivement d'une capacité de 2828 et 3780 passagers.

Ses concurrents ne seront pas en reste: les paquebots de 3000 passagers sont devenus la norme. «Il nous faudra donc recruter de nouveaux clients, mais nous ne le ferons pas en nous attaquant à la clientèle des autres sociétés de croisières, dit Maurice Zarmati. Ce n'est pas à elles que nous voulons enlever des clients: c'est à la Jamaïque, aux Bahamas, à Cancun, à Orlando, à Las Vegas...»

Il faut croire que lui et ses collègues y arrivent, puisque même si la capacité augmente à un rythme soutenu, toutes les grandes sociétés de croisière affichent des taux d'occupation supérieurs à 100% (parce qu'elles accueillent fréquemment trois personnes par cabine). Et elles réalisent des profits, ce qui ne manque pas d'étonner, parce que les cabines sont souvent soldées à des prix ridicules. «Nous commençons toujours par offrir des tarifs très bas pour amorcer la demande et nous les augmentons à mesure que les navires se remplissent, explique Maurice Zarmati. Plus le consommateur réserve tard, plus cher il paiera sa cabine.»

Quoi qu'il en soit, la clientèle augmente et rajeunit. La CLIA (Cruise Line International Association), qui regroupe toutes les grandes entreprises, vient de publier les résultats d'une enquête réalisée chez nos voisins américains, qui représentent encore 76% des croisiéristes dans le monde. Au cours des deux dernières années, l'âge moyen des passagers a baissé de 49 à 46 ans.