Les Québécois voient d'un oeil plutôt favorable le pontificat de Benoît XVI, qui quittera son poste à la fin du mois, ainsi que l'élection possible du cardinal Marc Ouellet comme son successeur, malgré les controverses qui ont entouré son passage comme archevêque de Québec.

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Mais cette opinion cache peut-être un éloignement définitif de la religion. L'assouplissement des rigidités souvent reprochées à l'Église - à l'égard de l'avortement, de la contraception, des homosexuels et de l'ordination des femmes - ne parviendrait pas à pousser une majorité de répondants à se rapprocher de l'Église. Pire, seulement 37% des jeunes adultes de 18 à 34 ans disent croire en l'existence de Dieu, à peine plus que ceux qui disent le contraire. En comparaison, chez les jeunes Américains, 68% ne doutent pas de l'existence de Dieu, selon l'institut de recherche Pew.

Le curé Raymond Gravel, du diocèse de Joliette, est découragé par les résultats du sondage CROP-La Presse. «On dirait que ça n'intéresse plus les gens», dit l'abbé Gravel, qui a souvent réclamé un assouplissement de la morale sexuelle catholique. «Ils veulent un pape plus libéral, mais en même temps, ils sont satisfaits de Benoît XVI et voient plutôt d'un bon oeil que Marc Ouellet devienne pape. Ce n'est pas cohérent, les gens ne semblent pas beaucoup réfléchir à ces questions.»

Yuri Rivest, vice-président chez CROP, estime que la démission de Benoît XVI «est un signe de modernité qui explique probablement ces résultats plutôt favorables pour le pape». Près de 95% des Québécois approuvent le départ du pape. Quant au faible nombre de Québécois (11%) qui verraient d'un mauvais oeil l'élection du cardinal Ouellet comme pape, M. Rivest l'explique par «la fierté des Québécois quand l'un des leurs réussit à l'étranger. Céline est admirée même par ceux qui n'aiment pas sa musique».

Cela ne conforte pas l'abbé Gravel. «Si les Québécois ne se souviennent pas de ce qu'ils pensaient de Benoît XVI la semaine dernière et qu'ils voient Mgr Ouellet comme Céline Dion, ce n'est pas très sérieux. Normalement, nos croyances religieuses devraient être plus réfléchies.»

Le faible nombre d'opposants au cardinal Ouellet est-il dû au fait qu'il est à Rome depuis 2010 et que les gens ont oublié les controverses qui ont marqué son épiscopat? «Peut-être, mais ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, dit M. Rivest. Quoi qu'il en soit, le cardinal Ouellet part avec une ardoise vierge.»

Que penser du faible nombre de Québécois qui ne s'intéresseraient pas davantage à l'Église en cas de pontificat québécois? «Paradoxalement, je crois que Mgr Ouellet serait content s'il lisait ces chiffres», dit Philippe Vaillancourt, qui gère le site d'actualité catholique Crayon et goupillon. «Pour l'Église, c'est le Christ qui doit convertir, pas le pape.»

Détail intéressant, la proportion de Québécois qui préféreraient un pape plus conservateur est plus élevée dans la population en général (9%) que chez les catholiques (3%). Cela est probablement dû à l'influence des communautés ethniques, généralement plus conservatrices, selon M. Rivest.

Le crucifix de l'Assemblée

Un Québécois sur sept (16%) croit que les institutions publiques devraient faire de la place à toutes les religions, alors que 49% voudraient uniquement des références catholiques et 35% une laïcité stricte. Le crucifix à l'Assemblée nationale est le symbole qui reçoit le moins d'approbation (41%), et les fêtes religieuses comme Noël et Pâques (71%) et le baptême (64%) sont les symboles religieux auxquels les Québécois sont les plus attachés.

Cinquante ans après la Révolution tranquille, l'impact de l'Église catholique sur la société québécoise est jugé positivement par 55% des Québécois, et une faible majorité croit que l'Église a «protégé et façonné l'identité québécoise» plutôt que d'être «un frein et un handicap».

Méthodologie

La collecte de données en ligne s'est déroulée du 13 au 14 février 2013 au moyen d'un panel web. Un total de 800 questionnaires ont été remplis. Les résultats ont été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le sexe, l'âge, la région de résidence, la langue maternelle et le niveau de scolarité des répondants. De plus, une série de questions tirées de notre vaste étude annuelle Panorama (anciennement appelée 3SC) portant sur la religion ont été ajoutées au questionnaire. Cela nous permet de pondérer l'échantillon en fonction de la religion des répondants à partir d'un échantillon probabiliste. Notons que, compte tenu du caractère non probabiliste de l'échantillon, le calcul de la marge d'erreur ne s'applique pas.