En cette ère de surinformation, où l'on peut tout savoir et même plus en furetant sur Google, l'institution du courrier du coeur survit pourtant. Blogueuse sur le site de Vrak.tv, l'auteure jeunesse Catherine Girard-Audet en témoigne: non seulement les ados ont plus que jamais besoin d'une oreille attentive, mais leurs questions ressemblent à celles que nous nous sommes tous posées au même âge.

Catherine Girard-Audet a 31 ans et l'air d'une gamine avec ses yeux bleus et son enthousiasme communicatif. L'auteure de L'ABC des filles tenait un blogue personnel dans lequel elle répondait aux questions de ses fans lorsque Vrak.tv a eu le flair de la recruter pour lui offrir de tenir le courrier du coeur sur son nouveau site, en janvier 2011.

Un an et 16 000 questions plus tard, la jeune femme constate que les choses ont peu changé chez les ados d'aujourd'hui. «La question qui revient le plus souvent, le top du top, c'est «je tripe sur un gars et je ne sais pas comment lui dire». La peur du rejet et du jugement des autres, c'est encore ce qui domine à l'adolescence», explique la jeune femme, qui tient aussi le courrier du coeur de la revue Cool! depuis le début de 2012. «Quand j'étais ado, je lisais le courrier de Manu et de Mimi dans la revue Filles d'aujourd'hui. C'est drôle parce que maintenant, je suis la Mimi de 2012!»

On le sent vite, son adolescence n'est pas loin, et lorsqu'elle parle aux jeunes d'aujourd'hui, Catherine Girard-Audet a en tête ses propres blessures et expériences. «Moi, j'ai déménagé trois fois, chaque fois ç'a été difficile, j'ai subi du rejet, de l'intimidation... Certaines questions font remonter en moi un malaise, je me rappelle très bien comment je me sentais. Et je sais aussi que ça passe.»

Plus qu'une vedette, Catherine Girard-Audet est perçue comme quelqu'un pouvant aider et tente toujours de donner des pistes de solution dans ses réponses. «Je conseille sans poser de jugement ni faire la morale. Je ne me prends pas non plus pour une psychologue: les cas plus lourds, je les réfère aux organismes compétents.»

Elle est très fière de cette relation, consciente que les ados détectent rapidement ceux qui sonnent faux. «J'ai la chance qu'ils m'aient accordé leur confiance.» Elle leur rend bien cette affection - «Des fois, surtout dans les histoires d'intimidation, j'ai envie d'aller à l'école et parler dans le casque de l'intimidateur!» - et prend au sérieux son rôle de grande soeur. «C'est vrai qu'il y a beaucoup d'infos qui circulent partout. Mais des fois, les jeunes sont perdus dans tout ça, et moi je les aide à se retrouver. Puis il y a des sujets tabous dont ils sont trop gênés pour parler avec leurs parents ou même avec leurs amis. Ça leur fait du bien d'avoir une oreille extérieure.»

Ados en série

Une oreille attentive et sensible, qui a aussi un regard d'auteure: Catherine Girard-Audet a entrepris l'écriture d'une série de romans jeunesse, La vie compliquée de Léa Olivier, dont le premier tome est sorti en janvier et le deuxième en avril. Le troisième sera en librairie à l'automne, mais déjà, les jeunes lectrices se sont attachées à l'héroïne de 14 ans qui ressemble étrangement à son auteure et qu'on suivra pendant huit romans. «C'est sûr qu'il y a beaucoup de moi et de mes expériences. Mais j'ai aussi la meilleure source d'inspiration qui soit, et le meilleur feedback du monde. Je sais exactement ce qu'ils veulent.» Triangle amoureux, compétition, famille, amitié, tout est là. «L'adolescence est une période de remise en question continuelle, et Léa est exactement comme ça.»

Si elle aborde des sujets souvent sérieux, le ton reste léger et rigolo, le tout narré sous forme d'échanges de courriels et de SMS. Les lectrices s'amusent beaucoup en suivant les aventures de Léa, même les plus jeunes, auxquelles l'auteure fait très attention. «Mon héroïne a 14 ans, et va vivre plein de premières fois: c'est le propre de l'adolescence. Mais il n'y aura rien de déplacé, je veux plutôt rendre ça magique et beau.»

C'est l'essentiel du message de Catherine Girard-Audet dans son courrier: il faut être soi-même, apprendre à se connaître et surtout ne pas être pressé de vivre les choses avant leur temps. L'hypersexualisation? Connaît pas. «Peut-être que ces filles-là ne m'écrivent pas non plus. Mais ce n'est pas ce que je constate. Comme dans toutes les générations, il y a des filles qui vont plus vite, d'autres plus lentement. Mais je n'ai pas l'impression qu'elles vieillissent tant que ça plus rapidement.»

C'est pourquoi les questions sont aussi importantes que les réponses dans le courrier du coeur: en lisant ce que les autres ont écrit, les jeunes filles n'ont plus l'impression d'être anormales ou seules au monde. «Moi en tout cas, quand je lisais le courrier de Manu, les questions m'intéressaient. Ce qui est bien avec le blogue, c'est que c'est interactif. Il y a ma réponse, mais aussi les commentaires des lectrices qui peuvent raconter comment elles ont affronté certaines situations.»

La confidente des ados se voit continuer ainsi encore longtemps, heureuse de pouvoir faire une différence dans leur vie et de pratiquer un métier qui garde jeune. «J'admire beaucoup quelqu'un comme Marie-Mai, qui a su durer. On dirait qu'elle ne vieillit pas! J'adore les jeunes, j'adore ce que je fais et j'arrêterai seulement le jour où on me fera sentir que je ne suis «plus là».» Ça ne risque pas d'arriver bientôt.

La vie compliquée de Léa Olivier, tomes 1 et 2, de Catherine Girard-Audet, éd. Les Malins, 14,95$ chacun.

Le blogue de Catherine sur www.vrak.tv/missvrak

La vie compliqueé de Léa Olivier, tome 1.