Bien qu'on y trouve encore des institutions grecques, dont Philinos, Mythos Ouzeri et le très chic Milos, la scène culinaire de l'avenue du Parc s'est beaucoup diversifiée au cours des dernières années. Scarpetta, avec sa cuisine sicilienne, a amené de nouvelles saveurs méditerranéennes sur cette artère. Un ajout apprécié.

Que la portion de l'avenue du Parc située la plus près du mont Royal et du beau parc Jeanne-Mance soit encore la plus moche de cette artère est une de ces mystérieuses aberrations dont Montréal a le secret. C'est dans cet environnement un peu ingrat que Scarpetta a ouvert ses portes il y a un peu plus d'un an. Mais il suffit de franchir lesdites portes pour laisser tout le reste derrière soi. Un décor épuré réchauffé par la présence de bois et de brique, un éclairage bien dosé, des tables juste assez espacées: même si quelques-unes seulement étaient occupées au moment de notre arrivée, l'endroit était assez chaleureux pour qu'on ait envie de s'y poser.

Le menu tient sur une page et demie et l'on pourrait s'en contenter puisqu'il est constitué d'une bonne base de valeurs sûres agrémentée de quelques propositions intrigantes. Mais l'ardoise ajoute d'autres choix qui piquent la curiosité. Pour savoir ce qu'un resto a dans le ventre, mieux vaut piocher dans l'un et l'autre. Goûter des plats qu'il juge incontournables au point de les offrir en permanence, et voir comment il improvise avec les ingrédients du moment.

Les entrées sont ici servies sous forme de sfize, en petites bouchées faciles à partager. Le chou-fleur frit à l'ardoise était irrésistible en cette saison, et les involtini du menu bien tentants aussi.

Jolis coloris

Les involtini, qu'on traduit en français par paupiettes, sont de petits roulés constitués d'une garniture enserrée dans une mince tranche - ici, de l'aubergine autour d'un morceau d'espadon, poisson typique de la Sicile. Les trois rouleaux posés sur de la sauce tomate veloutée sont tout à fait appétissants. Les morceaux de poisson sont bons, l'aubergine mince et souple. Malheureusement, les involtini manquent de relief. On a beau se concentrer, y regoûter, rien n'y fait. Même la tomate ne réussit pas à aiguillonner ces bouchées pourtant si prometteuses. On termine l'assiette un peu déçu, avec l'impression d'être passé à côté de quelque chose.

Le chou-fleur frit, par contre, s'est révélé une merveilleuse découverte. À peine farinés, cuits à la perfection et saupoudrés de brindilles de fromage râpé, les morceaux de choux-fleurs jaune safran et violets entremêlés de pointes de romesco servis ce soir-là étaient un pur ravissement pour l'oeil comme pour les papilles. Une préparation simple mais épatante, qui encapsule et sublime ce que ces crucifères ont de mieux à offrir à l'état frais - des saveurs vives et presque sucrées, des textures croquantes et pleines de surprises, le tout dans de si jolis coloris.

Intensité et réconfort

De retour au menu, notre premier choix s'est arrêté sur les pâtes aux sardines (con sarde alla palermitana), plat traditionnel sicilien. Des sardines en petits morceaux, du fenouil, des noix de pins, des raisins secs, du safran: la combinaison, un peu déroutante pour un palais nord-américain, ne décevra pas les esprits aventureux. Intensité garantie! Les sardines marinées maison, les pignons et raisins grillés ainsi que les lamelles de fenouil se glissent dans les interstices des pâtes nappées d'une sauce d'un jaune rayonnant, tout ce beau monde bataillant ferme pour l'attention des papilles.

C'est tendre, croquant, salé, sucré, acéré et acidulé, en alternance ou tout en même temps, selon les ingrédients réunis sur la fourchette. La fine couche de chapelure grillée saupoudrée sur le dessus ajoute une dimension supplémentaire, en goût comme en texture. Le genre de plat qui ne plaît pas à tous, mais avec lequel on ne s'ennuie pas une seconde.

L'autre plat principal, le lapin aux olives, s'est avéré nettement plus douillet. Cette généreuse portion de viande braisée incroyablement tendre, baignant dans un savoureux jus de viande en compagnie d'olives vertes et noires, de pommes de terre et de carottes multicolores a de beaux mois de réconfort devant elle.

La carte des desserts étant surtout composée de classiques italiens (affogato, gelato, cannoli, torta au chocolat, etc.), nous nous sommes laissé tenter par l'ardoise. Cette tarte aux pommes et fromage, par exemple: une variation italienne sur la classique tarte et cheddar vieilli des anglos? Pas vraiment. Le fromage était à la fois rare et omniprésent: gratiné, il imposait sa saveur musclée sans réussir à s'harmoniser avec la délicatesse de la tarte. Dommage. Avec sa pâte savoureuse et ses minces tranches de pommes bien dorées, cette tarte-là se serait très bien défendue par elle-même.

Nappés de caramel et enneigés de sucre en poudre, les profiteroles à la confiture de cédrat étaient bien choux dans l'assiette, mais sous la dent, la pâte était raide et sèche. Déception! La garniture à base de fromage fouetté, le caramel et la confiture de cédrat au fort parfum d'agrume étaient très bons, mais comment contourner la difficulté? Nous avons abandonné les choux à leur sort et récupéré ce que nous avons pu de garniture à la cuillère, avec l'impression de racler le fond d'un bol à mélanger en cachette.

Qu'un restaurant ait à coeur de faire ses propres desserts et d'aller au-delà des choix qu'il propose en tout temps à la carte est tout à son honneur, mais dans ce cas-ci, on aurait peut-être avantage à réduire le nombre de possibilités et à se concentrer sur ce qu'on fait de mieux.

Scarpetta

4525, avenue du Parc, Montréal

514-903-4447

Prix: sur la carte, de 7$ à 14$ pour les sfize, de 14$ à 26$ pour les plats et de 5 à 8$ pour les desserts.

Service: courtois et à son affaire.

Atmosphère: calme et presque feutrée lors de notre visite. Après 22h, par contre, ça devient plus bruyant et animé, nous a prévenu notre serveur.

Décor: épuré mais chaleureux.

(+) Une carte courte, mais bien conçue. Une cuisine ouverte jusqu'à minuit, ce qui est bien tentant après un spectacle.

(-) Quand une cuisine se montre qu'elle a du talent et qu'elle est capable de choses remarquables, cela crée des attentes: on se dit que chaque plat sera aussi épatant. On n'y est pas encore tout à fait.

On y retourne? Oui, pour goûter à d'autres spécialités siciliennes.