«La journée de la femme, chez Chanel, c'est tous les jours!» Avec pancartes et haut-parleurs, Karl Lagerfeld a organisé mardi une manifestation «féministe, mais féminine» aux airs de mai 68 pour présenter une collection pleine de gaieté, en réaction à une époque jugée rétrograde.

Après le supermarché de la saison dernière, le couturier-roi de la mise en scène avait planté le décor de son défilé dans une rue typiquement parisienne, reconstituée sous la verrière du Grand Palais. Des photos géantes d'immeubles haussmanniens encadraient le podium façon macadam.

Le défilé commence dans une explosion de couleurs, à la manière d'une aquarelle psychédélique sur des bottes, un foulard, un manteau. Ou une chemise, portée avec tailleur et pantalon large gris.

Les chaussures sont des derbys dorées et ouvertes, nouées par une bride autour de la cheville. Elles s'accompagnent de bas et d'une ceinture assortis, d'un chemisier blanc à large collerette, d'un large short noir à revers et à fines rayures.

La palette redevient plus sobre, avec des ensembles blancs, noirs et marine. Un blouson doré vient élever une petite robe noire en dentelles.

Les mannequins, parmi lesquels Gisele Bundchen, Cara Delevingne et Kendall Jenner, la demi-soeur de Kim Kardashian très présente dans les défilés parisiens, défilent seules ou en petits groupes, souriant, discutant, vivantes.

Photo François Mori, AP

Gisele Bundchen

PHOTO YOUSSEF BOUDLAL, REUTERS

«Divorce pour tous»

Avant de revenir pour la manifestation finale, les mannequins sont emmenées par le couturier et armées de pancartes bleu, blanc, rouge. «Divorce pour tous», réclame une pancarte, en réponse aux manifestants contre le mariage gai. «Be different», «Make Fashion Not War», proposent d'autres panneaux, clins d'oeil aux mouvements de contestation des années 60.

En coulisses, le couturier a rendu hommage au «vent de liberté» qui soufflait en mai 1968 en France. «Aujourd'hui, tout est interdit, le politiquement correct a tout détruit (...) Les gens sont devenus bien plus bourgeois depuis», juge-t-il.

«J'ai trouvé que c'était le moment d'insister (sur ce message) à nouveau, spécialement en France. On le sent, l'atmosphère n'est plus bonne, en particulier avec ce parti, le FN» (Front national, extrême droite), explique-t-il à un journaliste anglophone.

«Ma mère était une féministe», raconte encore Karl Lagerfeld à l'AFP . «Elle me disait quand j'étais enfant: les hommes, ce n'est pas si important que ça».

Cette collection printemps-été, Karl Lagerfeld l'a voulue pleine de «gaieté et d'espoir» et plus «mode de vie que mode». «Ce n'était pas une collection qui voulait être prétentieuse, genre créative pour être créative, ça, on peut le faire dans la couture. C'était vraiment des propositions de toutes sortes de pièces qu'on peut mettre où on veut quand on veut», dit le couturier.

Dans le public du défilé, organisé à l'avant-dernier jour de la Semaine de la mode parisienne, étaient présents le réalisateur australien de Gatsby Le Magnifique Baz Luhrmann, ainsi que les actrices Julie Delpy, Elisa Sednaoui et Anna Mouglalis.

Cette dernière, égérie Chanel, qui revendique son féminisme, a apprécié le côté vivant du défilé. «C'est la première fois que je voyais des mannequins parler, rigoler, danser et donner de la voix, et ça me fait plaisir», a-t-elle dit.

Photo GONZALO FUENTES, REUTERS

Photo François Guillot, AFP

L'actrice française Anna Mouglalis et le réalisateur Xavier Dolan.