Nous sonnons à la porte de la boutique Timeless Watches où nous accueille son propriétaire, Georges Janho. Dans le magasin de la rue Union, au centre-ville de Montréal, on trouve des montres neuves et d'occasion dont les prix commencent à 7000$ et vont jusqu'à 60 000$, parfois plus.

Aujourd'hui, il y a un certain va-et-vient à la boutique. «Vous savez ce qu'il y a à Montréal cette fin de semaine? nous dit-il. Le P-Day. Tous les fanatiques des montres Panerai sont en ville!» Chaque année, nous explique M. Janho, le fabricant de montres de prestige organise un événement dans une des grandes villes du globe. Et c'est au tour de Montréal d'accueillir les passionnés de la marque.

Pour l'occasion, Timeless Watches a eu le privilège d'inviter 13 de ses plus grands collectionneurs. «Inviter», car n'entre pas qui veut à cette soirée. Le nombre de places étant limité à 175, et les amateurs venant de partout, il y a peu d'élus. Le lieu est également tenu secret: question de sécurité, précise le propriétaire de la boutique, puisque des montres d'une valeur de 200 000 à 300 000$ seront exhibées dans le cadre de l'événement.

Un homme dans la trentaine fait son entrée dans la boutique. Après plus d'une heure de discussion avec les vendeurs, il en sortira avec une montre Panerai au poignet. «Un vice-président d'entreprise, nous confie Georges Janho en catimini. C'est un amateur de Rolex, mais il voulait s'assurer d'avoir une montre Panerai pour assister à l'événement.»

Un passe-temps élitiste

La valeur des montres à gousset et des montres-bracelets ont atteint des sommes astronomiques durant les dernières années. Qui sont ces gens qui collectionnent des montres de luxe? «Il y a un peu de tout. Des banquiers, des hommes d'affaires, des restaurateurs... Ces gens ont tous un point en commun: la passion des montres.» Et les moyens de s'en acheter, devrait-on ajouter.

En général, ce sont des hommes qui collectionnent les garde-temps. L'auteur de Montres cultes, Michael Balfour, explique cet engouement par deux facteurs: les montres sont des objets intéressants à collectionner parce qu'elles sont utiles et faciles à transporter.

«Tout objet peut nous discriminer, nous permettre d'appartenir ou non à un groupe, croit pour sa part l'historienne et anthropologue de la mode Bernadette Rey. Si on porte une vraie Rolex, c'est comme d'appartenir à un club, à une confrérie. Les passionnés de montres vont souvent choisir des marques qui démontrent un savoir-faire. Elles ne sont pas nécessairement serties de diamants. Seuls les initiés peuvent les remarquer.»

Une affinité particulière

Les collectionneurs ont souvent une marque de prédilection à laquelle ils sont attachés, mais ils comptent généralement d'autres marques dans leur collection. Certains se concentrent aussi sur une catégorie de montres: militaires, érotiques, à sonnerie, en séries limitées, associées aux marques automobiles, de sport...

«Les collectionneurs purs et durs cherchent rarement à tirer profit financièrement de leurs collections. Leur terrain de chasse, à savoir les salles de vente, est souvent envahi, en revanche, par les investisseurs qui voient dans ces objets rares et chers [...] un sage investissement», écrit Michael Balfour.

Car ce marché peut être lucratif, dans la mesure où on est connaisseur. «Il faut avoir de l'expérience, affirme Marian Panaitescu, partenaire d'affaires de M. Janho. Les montres de collection sont difficiles à trouver et il y a beaucoup de contrefaçon.»

Le marché de la contrefaçon aurait en effet explosé depuis les années 2000. La société Rolex est l'une des marques de prestige les plus recherchées par les collectionneurs, mais elle est également la plus touchée par le problème. «Certaines contrefaçons de montres très haut de gamme sont réalisées dans des matériaux nobles tels que l'or et l'acier, avec des mouvements de bonne qualité, et circulent à des prix généralement deux ou trois fois inférieurs au tarif neuf», peut-on lire sur le site La cote des montres, l'un des rendez-vous des passionnés de montres de prestige sur l'internet.

Pour être conforme, une montre d'occasion devrait idéalement venir avec sa boîte, des marquages inscrits dans le mécanisme et ses documents d'origine. Ses aiguilles devraient tourner, même mal, explique-t-on sur ce site, car elle pourra être réparée à moindre coût qu'une montre dont le mécanisme est bloqué. Dans tous les cas, neuf ou d'occasion, l'achat devrait être accompagné d'un certificat de vente daté, attestant de son identité et donnant les détails de la montre.

Avant de se lancer, il faut également savoir que ces bijoux de luxe exigent un entretien et une révision du mécanisme tous les cinq ans par un horloger spécialisé. Ce qui ne se fait pas non plus à faible coût. Mais quelques caprices ne sont pas suffisants pour détourner l'attention des véritables amateurs. Rendre hommage au passé a un coût qu'ils sont prêts à assumer.