Le géant Aldo, leader sur le marché de la chaussure au Canada, a fait le pari depuis neuf mois d'une nouvelle enseigne nommée Locale. À trois jours de l'ouverture officielle de la boutique phare rue Sainte-Catherine, à Montréal, nous avons rencontré Douglas Bensadoun, l'un des piliers de l'entreprise.

Brun, le regard vert émeraude, fils du fondateur d'Aldo, raconte le projet de l'enseigne Locale: «L'idée de départ était de trouver l'équilibre entre l'art et le commerce, commence le directeur de création et directeur général du marketing du groupe Aldo, c'est-à-dire de vendre une sélection de chaussures multimarques pour femmes et hommes et d'accessoires, dans un cadre où l'art est mis en avant. Dans nos neuf boutiques Locale, au Québec, en Ontario et en Alberta, nous exposons donc un artiste local émergent.»

À Montréal, le choix s'est porté sur les oeuvres photographiques de Jamie Campbell. À Toronto, les oeuvres de Jessica Eaton sont mises en valeur et, à Calgary, ce sont celles d'Amalie Atkins.

À l'issue d'une entente avec le Musée des beaux-arts de Montréal, l'un des 10 artistes présentés en cours d'année chez Aldo décrochera une bourse de 20 000$ et le privilège d'être exposé au nouveau pavillon d'art canadien de l'institution de la rue Sherbrooke Ouest. Locale, nouveau mécène, privilégiant la mise en avant d'artistes prometteurs? Cela y ressemble franchement.

Pourtant, rien de muséal dans la boutique du 770, rue Sainte-Catherine O., comme dans toutes les autres d'ailleurs (à Montréal, il y en a deux autres, à la place Montréal Trust et au centre Rockland, et sur la Rive-Sud, on trouve une boutique au Mail Champlain). Ici, il est avant tout question de trouver chaussure à son pied! «C'est une magnifique façon de se démarquer de la concurrence mondiale féroce», analyse Douglas Bensadoun.

Alors, parlons chaussures. Un tour du magasin nous a donné à voir des ballerines de la marque espagnole Pretty Ballerinas, des baskets de chez Lacoste, des Birkenstock, des modèles de Marc By Marc Jacobs... sans oublier la collection éponyme, signée Locale, qui propose une sélection branchée mais sans excès, mode mais pas trop pointue.

Myriam Maguire, responsable du design des produits, explique: «Ici, il n'y a pas de talons qui dépassent six pouces. Le confort domine, ce qui ne veut pas dire que nous ne répondons pas aux exigences stylistiques de la saison. Notre cible, ce sont les 25-55 ans!»

Mais il n'y a pas que ces considérations marketing pour faire vibrer Douglas Bensadoun. Pour lui, cette idée d'un pont à jeter entre commerce et art est primordiale. Il voudrait que son projet soit fédérateur, qu'il permette aux commerçants de comprendre que l'on fait tous partie d'une communauté intellectuelle et artistique. Pour promouvoir cette façon de voir les choses, il a adopté plus d'une stratégie: outre les photos exposées au mur de la boutique, il y aussi ce coin salon où l'on peut symboliquement prendre place quelques minutes pour faire circuler le regard, ou encore un mur qui fait office debabillard communautaire. Autant de symboles venant nourrir le concept avec, en point d'orgue, le magazine semestriel maison intitulé L, grand format, papier épais, mettant en avant la communauté artistique établie ou émergente de Montréal. Le tout dirigé artistiquement par Reanna Evoy, ancienne du magazine En Route, qui travaille main dans la main avec Douglas Bensadoun.

«Ma passion est de travailler avec des artistes», souligne M. Bensadoun, qui n'en est pas à sa première collaboration avec eux. Aldo a ainsi déjà fait appel au photographe très sulfureux Terry Richardson pour une campagne mettant en vedette le mannequin Jessica Stam. Un choix un peu risqué qui n'a eu que du bon, raconte M. Bensadoun. «Quand notre choix s'est porté sur lui, il y a trois ans, c'était au moment où son style personnel devenait acceptable par la masse tout en étant respecté par l'élite, c'était le parfait timing. Il a permis aux gens de comprendre qui nous sommes vraiment dans l'entreprise, des gens cool!»

Une perception qu'Aldo compte bien entretenir.