N'allez surtout pas leur dire que c'est un jeu d'enfant. Pour plusieurs hommes adultes, les figurines de petits soldats, c'est du sérieux. Assez pour y investir des milliers de dollars, des centaines d'heures de travail et... beaucoup, beaucoup d'espace dans le sous-sol.

«Dans mon sous-sol, j'ai environ 8000 figurines, facile. Et de temps en temps, je les sors pour évaluer quel projet je pourrais faire», raconte Richard Aubé, en s'amusant de l'incrédulité du journaliste face au nombre de petits soldats évoqué.

Ancien spécialiste en approvisionnement dans l'armée canadienne, fraîchement retraité depuis cet hiver, le résidant de Charlesbourg ne fait pas que collectionner les figurines: il les peint, les modifie, les assemble dans de grandes maquettes pour recréer des batailles célèbres de l'histoire.

Le résultat est impressionnant de minutie. Lorsqu'on se penche sur une de ses créations, difficile de ne pas être aspiré soi-même au coeur de l'action.

«J'ai commencé en 1996. Nous étions en exercice au Mississippi et pendant mon temps libre, j'ai visité un musée de la guerre de Sécession. J'ai décidé de faire une maquette là-dessus. J'ai fait quelques expositions dans des salons de modèles réduits et quand j'ai vu que je gagnais des prix, j'ai continué», explique le jeune retraité. Sa première reconstitution comprenait 650 personnages peints à la main.

Pinces et pinceaux

Bataille des plaines d'Abraham, Seconde Guerre mondiale, guerre de Corée, croisades: Richard Aubé a exploré toutes sortes d'époques, en gardant une préférence pour les événements qui touchent l'histoire du Canada. Chaque fois, il y met un immense souci du détail.

«À l'échelle de 1/72e de la taille réelle, c'est petit, mais je leur fais quand même des moustaches et des barbes! Ça prend une pince pour les tenir, des pinceaux à plus finir et beaucoup de peinture aussi. Les drapeaux, je les fais avec des papiers mouchoirs», explique-t-il.

Il est loin d'être le seul à vivre aussi intensément sa passion. Marc Nadeau, propriétaire de la boutique Passe-temps 3000, à Québec, estime avoir environ 250 clients amateurs de soldats miniatures, de tous âges. «J'ai des gens de 0 à 99 ans», assure-t-il de façon imagée.

Certains clients se concentrent sur une seule époque dans leur collection, d'autres «picossent dans tout». 

«C'est sûr que la Deuxième Guerre, c'est toujours dans le plus intéressant.»

La Première Guerre mondiale, les campagnes napoléoniennes, les guerres coloniales et la guerre de Sécession américaine font aussi partie des périodes très prisées des collectionneurs en général. Certains se contentent d'acheter des ensembles de figurines et d'aligner leurs soldats en formation. D'autres prennent la peine de peindre eux-mêmes les détails sur leurs troupes. Seuls les plus minutieux les déploient sur des maquettes réalistes.

Une passion coûteuse

Des réunions d'amateurs et des magazines spécialisés (européens ou américains) permettent aux collectionneurs d'acheter ou d'échanger des pièces rares ou très recherchées. À condition d'être prêt à y mettre le prix. W. Britain, l'un des plus importants fabricants mondiaux de petits soldats, vend chaque figurine entre 20 $ et 44 $ sur son site web. Le français CBG Mignot, une référence dans l'industrie qui se targue de privilégier une fabrication artisanale pour chaque pièce, demande environ 33 $ par soldat. C'est sans compter les prix astronomiques parfois demandés en seconde main pour des pièces rares ou qui ne sont plus sur le marché.

Pour ses maquettes, Richard Aubé privilégie des figurines de plastique, moins coûteuses que celles en métal et que les antiques soldats de plomb, toujours très prisés par les amateurs. Mais sa collection a tout de même nécessité des investissements substantiels. «Je me suis fait des réserves avant de prendre ma retraite, parce que je ne savais pas si je pourrais continuer à acheter comme ça. J'ai accumulé beaucoup de stock», s'exclame-t-il.

De quoi continuer à s'amuser longtemps.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Une maquette de la bataille de Gettysburg.