Facebook se défend d'être à l'origine du « 10 Years Challenge », qui est devenu viral sur sa plateforme depuis quelques jours.

Dans un entretien accordé hier à La Presse, un porte-parole canadien de la multinationale rejette les allégations selon lesquelles elle aurait orchestré ce « défi » afin de tester ses algorithmes sur la reconnaissance faciale. « Facebook n'a pas lancé ce mouvement, qui est devenu viral par lui-même », affirme ce porte-parole.

Depuis environ une semaine, des milliers d'utilisateurs publient deux photos d'eux-mêmes sur Facebook, Instagram ou Twitter : une photo récente et une autre prise il y a 10 ans (en 2009), afin de témoigner (ou non !) de leur vieillissement. Une initiative baptisée - on ne sait trop par qui - « 10 Years Challenge » (Défi 10 ans).

Un mème inoffensif ?

De nombreuses personnes y ont vu une manière pour Facebook d'améliorer ses algorithmes de reconnaissance faciale. Lundi, le magazine Wired a sonné l'alarme dans un article signé par l'auteure Kate O'Neill coiffé du titre : « Facebook's '10 Years Challenge' Is Just a Harmless Meme - Right ? »

L'article, qui est rapidement devenu viral, évoque les bénéfices de cette campagne présumée de Facebook.

« Bien sûr, Facebook a déjà accès à toutes nos photos de profil, écrit Kate O'Neill en anticipant les critiques. Mais le fait de publier côte à côte des photos de soi avec un écart de 10 ans exactement facilite son travail.

« Pour tester un algorithme sur le vieillissement, voilà une base de données idéale et rigoureusement organisée.

« Est-ce que c'est mal de tester un algorithme avec vos photos ? », se demande Kate O'Neill. « Pas nécessairement. Dans un sens, c'est inévitable, mais il faut que nous soyons conscients des données que nous fournissons et de la manière dont elles peuvent être utilisées. »

L'auteure évoque notamment l'utilisation de cette technologie pour retrouver des enfants disparus ou des criminels, mais aussi pour faire de la publicité ciblée. Elle évoque également le service de reconnaissance facial d'Amazon vendu en 2016 aux forces de l'ordre ainsi qu'à des agences gouvernementales.

« Créé par nos utilisateurs »

De son côté, la multinationale dirigée par Mark Zuckerberg nie être à l'origine de ce mème. Mercredi soir, Facebook a jugé bon de remettre les pendules à l'heure. Dans une réponse envoyée sur Twitter au rédacteur en chef de Wired Nicholas Thompson, l'entreprise a écrit : « Le Défi 10 ans est un mème créé par nos utilisateurs sans notre intervention. C'est une preuve que les gens ont du plaisir sur Facebook, c'est tout. »

Facebook rappelle que les utilisateurs du réseau social peuvent en tout temps désactiver le système de reconnaissance faciale de la plateforme (dans les paramètres de confidentialité). Les photos mises en ligne par les utilisateurs ne sont pas « traitées » différemment, nous assure-t-on.

Un emballement dénoncé

La spécialiste des réseaux sociaux Nellie Brière déplore dans cette affaire l'empressement des médias à accuser le géant américain « sans valider l'information ».

« Les médias se sont emballés à partir d'une spéculation, affirme-t-elle. Il y a depuis quelques jours une réaction de panique et Facebook a été désigné comme bouc émissaire. On se croirait dans les années 50 avec l'avènement du rock'n'roll... »

« Je suis critique par rapport à la gouvernance de ces plateformes, mais là, on parle d'une nouvelle de type complotiste... », ajoute-t-elle.

Selon Nellie Brière, Facebook n'a pas besoin de « subterfuge » comme celui-ci pour appuyer ses recherches sur la reconnaissance faciale.

« Ce n'est pas une fonction intégrée dans la plateforme de Facebook. Les gens font eux-mêmes le montage de leurs photos, qu'ils prennent... sur Facebook ! », note la spécialiste - une information confirmée par la multinationale, qui assure ne tirer « aucun bénéfice » de ce phénomène.

« Ce qui intéresse Facebook, c'est la réalité augmentée, croit Nellie Brière. Ils veulent concurrencer Snapchat, par exemple avec des filtres [stickers] qui se greffent aux visages. Ils travaillent aussi au signalement des photos non identifiées [de vous] qui circulent sur la plateforme. » Nous avons pu confirmer cette information sur le site web de Facebook, qui évoque également un service de description de photos pour les non-voyants.

Google Arts & Culture

Ce n'est pas la première fois qu'une initiative lancée sur les réseaux sociaux est associée à la technologie de reconnaissance faciale.

L'an dernier à pareille date, Google avait lancé l'application Google Arts & Culture, qui faisait correspondre une photo de profil avec des personnages apparaissant dans des oeuvres d'art. Dans ce cas précis, grâce à la campagne « Is Your Portrait in a Museum ? », Google avait effectivement pu tester un algorithme de reconnaissance faciale facilitant ces correspondances.