Contraint de dépenser des milliards de dollars pour assainir son réseau et confronté aux changements d'habitudes des consommateurs et à un effet de saturation qui ralentissent sa croissance, Facebook se retrouve, à presque 15 ans, à un tournant majeur de son histoire.

Le premier réseau social au monde a publié mardi des résultats financiers trimestriels très attendus, qui ont confirmé la décélération de sa croissance, en matière de chiffre d'affaires, de rentabilité comme de popularité - des tendances qui se poursuivront en 2019, ont prévenu ses responsables.  

« Nous naviguons au milieu de défis et d'occasions sur plusieurs fronts », a résumé Mark Zukerberg pendant une conférence téléphonique avec des analystes, jugeant que l'année 2018, marquée par de nombreuses polémiques (données personnelles, manipulations politiques, piratage, etc.), avait été « dure ».

Les investisseurs se sont montrés extrêmement nerveux après la publication des résultats, et le titre a opéré de violents mouvements de yo-yo, passant du rouge au vert en l'espace de quelques minutes, au gré des déclarations de Mark Zuckerberg.

L'action a même perdu jusqu'à 6,5 %, mais les investisseurs ont finalement semblé rassurés, et elle prenait environ 3,20 % dans les échanges électroniques post-séance officielle vers 20 h mercredi.

Transition vers l'éphémère

Premier défi de Facebook, a expliqué M. Zuckerberg, les gens aiment de plus en plus échanger messages, photos et vidéos de « façon plus privée » que sur le fil d'actualités classique de Facebook.  

Ils lui préfèrent les messageries Messenger et WhatsApp (possédées par le groupe) ou le format Stories, ces petits montages vidéo ou photo qui disparaissent après une journée, particulièrement populaires sur Instagram, également propriété de Facebook.

« Les gens se sentent plus à l'aise [...] s'ils savent que leurs contenus ne seront vus que par un petit nombre et qu'ils ne resteront pas en ligne pour toujours », a expliqué le jeune milliardaire, qui a comparé cette transition à celle opérée vers le mobile il y a quelques années

Du coup, Facebook s'est lancé dans un modèle « priorité aux Stories plutôt qu'au fil d'actualités », mais la transition s'est révélée plus ardue que prévu, a expliqué Mark Zuckerberg.

Ces formats ne contiennent pas autant de publicités que le traditionnel fil Facebook et sont facturés moins cher aux annonceurs. Résultat : « nous ne gagnons pas autant d'argent », a dit le dirigeant, et il « faudra du temps » pour que les revenus reflètent le succès de ces nouveaux formats.

Autre gros défi : la sécurité. Entre le piratage de 29 millions de comptes fin septembre et la lutte contre tous les contenus problématiques, le groupe voit ses dépenses exploser (7,9 milliards sur le trimestre, contre 5,2 l'an dernier).

Et 2019 sera « une nouvelle année d'investissements importants », a asséné Mark Zuckerberg, qui embauche à tour de bras et investit dans des technologies comme l'intelligence artificielle destinées à mieux contrôler les contenus.

À cet égard, les législatives américaines du 6 novembre seront « un vrai test » pour nos dispositifs anti-manipulation politique, a-t-il ajouté.

Proche de la saturation

Le groupe investit aussi beaucoup dans la construction de centres de données, dans la réalité augmentée ou la vidéo, un domaine dans lequel Facebook est selon son PDG « loin loin derrière YouTube », détenu par Google.

Finalement, même si Facebook connaît encore une bonne croissance dans des pays en développement, il est proche de la « saturation » dans les pays développés, a reconnu Mark Zuckerberg.

Une saturation qui s'illustre avec les chiffres du troisième trimestre, qui ont tous confirmé que Facebook a fini par subir le ralentissement qu'il avait prévu et annoncé dès 2016, et qui a été amplifié depuis par les scandales.

Ainsi, le réseau a désormais 2,27 milliards d'utilisateurs mensuels actifs (+10 %), moins que prévu par les marchés.  

Son chiffre d'affaires est, à 13,73 milliards de dollars, inférieur aux attentes, et sa croissance (33 %) est en décélération. Ralentissement net aussi pour le bénéfice net (5,14 milliards, + 9 %).

Pour ce qui est du dernier trimestre, Facebook prévoit un nouveau ralentissement de sa croissance.  

Facebook avait connu un coup de tabac boursier dans la foulée de ses résultats trimestriels décevants en juillet, perdant 120 milliards de capitalisations boursières en une seule séance, du jamais vu à Wall Street.