Bip-bip: «Le président Bush demande un calendrier du retrait des Irakiens d'Irak.» Dans l'atmosphère lourde de Bagdad, les messages écrits par téléphone portable (SMS, ou texto) font fureur chez les jeunes Irakiens, qui échangent blagues, sonneries, réflexions et informations sans parvenir à oublier la situation.

Bip-bip: «Le président Bush demande un calendrier du retrait des Irakiens d'Irak.» Dans l'atmosphère lourde de Bagdad, les messages écrits par téléphone portable (SMS, ou texto) font fureur chez les jeunes Irakiens, qui échangent blagues, sonneries, réflexions et informations sans parvenir à oublier la situation.

La plupart des restaurants, cafés et cinémas sont fermés dans la capitale irakienne, confrontée ces derniers mois à une recrudescence des violences religieuses et politiques.

Les seuls magasins fréquentés ces jours-ci sont les boutiques de téléphonie mobile, qui vendent notamment des disques compacts de sonneries à 1,50 et font un tabac avec des recueils d'histoires drôles courtes spécialement écrites pour les SMS.

Mais c'est un humour souvent cynique qui se nourrit de la réalité. Plaisanteries et chansons évoquent les attentats-suicide, les violences entre chiites et sunnites, les coupures d'électricité, le prix du gaz, Saddam Hussein ou George Bush.

Au palmarès des sonneries les plus populaires: une version locale de «Gangsta's Paradise» («Paradis des gangsters»), adaptation par Coolio d'une chanson de Stevie Wonder, dans laquelle une voix de rappeur ressemblant à celle de l'ancien président irakien déclame: «Je suis Saddam, je n'ai pas de bombe/Bush veut me frapper/Je ne sais pas pourquoi/En fumant de l'herbe et en prenant mon pied/ Je sais que le diable est de mon côté/.../ J'ai fait mon temps et je vais mourir/J'ai seulement besoin de frites.»

La deuxième chanson préférée des jeunes Irakiens est celle d'une vedette nationale, Hossam al-Rassam, intitulée «M'man, j'ai été piqué par un scorpion», dans laquelle la pop star locale ose la sensualité pour parler des lèvres d'une jeune fille et d'un parfum «qui vous fait vivre plus longtemps».

Racha Tareq, 23 ans, s'est acheté cette sonnerie. «C'est Papa qui paie!», explique-t-elle, ajoutant que la visite aux boutiques spécialisées, à la recherche de nouvelles sonneries et plaisanteries, est devenue son seul divertissement. «Je n'ai plus que l'envoi de textos à mes copines pour m'occuper.»

Omar Abdul Karim, 22 ans, garde, ne sort jamais sans son téléphone portable-appareil photo et dépensait jusqu'à récemment l'équivalent 47 euros par mois en cartes prépayées pour communiquer avec sa petite amie.

Pourtant même l'amour est pollué par les violences et explosions quotidiennes: l'un des SMS les plus échangés dit «Je t'envoie les chars de mon amours, les balles de mon admiration et une roquette de mon désir».

Omar et son amie ont rompu. Après avoir essayé de vains «Tu me manques», il a préféré envoyer des blagues -souvent sur les Kurdes-à sa tante. Il écrit aussi toute la journée à sa mère pour la rassurer: «Surtout si je suis dehors tard le soir, vous voyez, avec toutes les bombes qui explosent dans le coin», explique-t-il.

Le jeune homme reçoit lui-même une vingtaine de textos par jour de sa famille et de ses amis. «Il n'y a pas grand-chose à faire par ici. C'est sans doute notre seul moyen de nous exprimer.»

Certains font sonner leur téléphone sur l'air de «Mawtini», «Ma Patrie», un hymne irakien datant d'avant Saddam Hussein, d'autres préfèrent des airs sensés être chantés par les membres de l'Armée du Mahdi de l'imam chiite radical Moqtada al-Sadr.

Les partis politiques ont eux aussi investi le mobile, envoyant des SMS de propagande lors de la campagne pour les élections législatives l'an dernier.

Aujourd'hui, une organisation non gouvernementale irakienne utilise le portable pour exhorter les Irakiens à «faire face à la violence par la paix». Mais l'insurrection n'est pas en reste, qui envoie ses menaces aux sites Web partisans par SMS: une technologie qui lui permet de communiquer en limitant les risques de se faire repérer.