L'acquisition de l'éditeur de jeux mobiles Gameloft, qui compte plus de 500 employés à Montréal, étant depuis hier confirmée, le géant français Vivendi peut maintenant porter toute son attention sur Ubisoft, qui aura vraisemblablement bien des difficultés à éviter ses griffes.

Selon les données diffusées hier par l'AMF française et la Bourse parisienne Euronext, l'offre hostile de 8 euros par action de Vivendi lui a permis de rallier environ 61,71 % des actions de Gameloft, comptant pour 55,61 % des droits de vote.

Le sort en est donc jeté, l'éditeur de jeux mobiles appartiendra sous peu à Vivendi. L'assemblée des actionnaires de Gameloft est prévue pour le 29 juin, date à laquelle la prise de contrôle pourrait officiellement s'exercer.

Selon nos sources, la transaction inquiète peu entre les murs du studio montréalais de Gameloft, le plus important centre de création du groupe. On s'y rassure en se disant que Vivendi n'aura pas déboursé près de 700 millions d'euros (1 milliard de dollars) pour sortir la hache.

Cela dit, Vivendi ne pourra communiquer directement à ses nouveaux employés ses plans pour l'entreprise avant d'en prendre possession. Hier, elle a publié une lettre à leur intention se voulant notamment rassurante quant à leur liberté de création.

UBISOFT DANS LA LIGNE DE MIRE

L'étape Gameloft étant terminée, les yeux sont tournés vers Ubisoft, qui emploie pour sa part environ 3200 personnes à Montréal et à Québec, ce qui fait de la province son plus important centre de production, de loin.

Vivendi détient déjà, aux dernières nouvelles, 17,9 % des actions et une part un peu inférieure des droits de vote d'Ubisoft, dont la valeur boursière est actuellement d'environ 5,4 milliards de dollars.

« Ils sont maintenant obligés de tenter quelque chose sur Ubisoft, je ne vois pas l'intérêt d'avoir agi seulement sur Gameloft. » - Richard-Maxime Beaudoux, analyste pour Bryan, Garnier & Co., à Paris 

Cette fois, par contre, l'offre ne pourra pas être hostile, juge M. Beaudoux. Le président d'Ubisoft, Yves Guillemot, « est très apprécié des équipes » et une offre hostile qui entraînerait son départ pourrait avoir d'importantes répercussions sur les employés vedettes, principaux actifs de l'entreprise.

L'absence des actions de la famille Guillemot dans le bloc jusqu'ici cédé à Vivendi au sein de Gameloft témoigne de l'hostilité persistante de la relation.

Les quelque 150 millions d'euros que la famille pourrait obtenir en cédant son bloc dans Gameloft ne lui suffiraient à ajouter qu'environ 4 % à son contrôle d'Ubisoft, ce qui ne semble pas suffisant pour changer la donne.

Pour sauver Ubisoft, les Guillemot chercheraient à recruter un chevalier blanc, a annoncé la semaine dernière l'agence Bloomberg. M. Guillemot était notamment passé par Montréal et Toronto, il y a quelques semaines, dans ses efforts de recrutement.

« Ça va être compliqué de trouver un chevalier blanc, estime M. Beaudoux. S'ils se rapprochent d'un autre grand groupe du secteur, il y a un risque d'avoir moins de contrôle, ce qui est déjà l'enjeu avec Vivendi. Et ce sera compliqué de trouver quelqu'un prêt à payer plus que le cours boursier actuel. À mon avis, l'action est déjà proche de son juste prix en Bourse actuellement. »

Infographie La Presse