Ils ont passé des heures à jouer dans les salles de jeux vidéo quand ils étaient jeunes. Ils sont devenus grands, mais la passion est restée et revit.

Les instructions données aux invités étaient claires : ne laissez pas sortir le chien en ouvrant la porte, gardez vos chaussures et apportez votre bonne humeur.

C'est un vendredi soir de printemps et une vingtaine d'hommes sont réunis dans un sous-sol de Laval. Il est à peine 19 h et les lieux sont déjà surchauffés, malgré la climatisation qui peine à fournir. Le plafond scintille et les bruits électroniques sont omniprésents. Si la pièce était enfumée et que la bière n'y était pas, on pourrait se croire au beau milieu d'une arcade dans les années 1980.

Ce soir-là, c'est Maxime Racette qui reçoit chez lui un groupe de passionnés de «machines à boules» qui se sont rencontrés en participant à un forum sur l'internet. Un petit noyau dur qui se retrouve tous les derniers vendredis du mois pour jouer, parler de machines et simplement être ensemble.

La collection de machines de l'hôte est considérée par certains comme l'une des plus belles à Montréal. Les machines brillent comme si elles sortaient de l'usine et, pourtant, elles étaient souvent bonnes pour la casse quand l'homme de 44 ans les a récupérées.

Devant le jeu Seawitch, machine des années 1980 qu'il a mis près de 800 heures à restaurer, Maxime Racette concède que son travail relève presque de l'art. «Ce sont des morceaux de l'histoire. Il faut voir ce que ces machines-là représentaient à l'époque et penser à tous les gens qui ont joué avec», dit celui qui n'hésite pas à parler de «l'âme de la machine».

Collectionneur depuis une trentaine d'années et vendeur de pièces de bornes d'arcade, Robert A. Baracké voit un fort regain d'intérêt pour ces machines depuis quelques années.

«Le joueur est souvent un gars de 30-35 ans qui jouait dans les arcades quand il avait de 15 à 17 ans. Il y avait plein d'arcades à Montréal entre 1977 et 1993. Ces gars-là sont maintenant mariés, ont des enfants, ont des vies un peu plates et veulent revivre ce qu'ils vivaient quand ils étaient plus jeunes. C'est pour ça qu'ils ont des machines chez eux. C'est ça, leur vendredi soir», raconte-t-il.

À 12 ans, Philippe Thibault séchait les cours pour aller jouer dans les arcades. Il se souvient avec nostalgie des Amusement 222, Casino Royal et du Centre 2000 à Laval où, «pour 3 $ les dimanches matin, on pouvait jouer pendant deux heures». «C'était un bon deal», se souvient-il.

Maintenant âgé de 39 ans et père de deux enfants, il a retrouvé la passion qui l'habitait à l'époque en découvrant les émulateurs d'arcades sur les PC, qui reproduisent numériquement ce qu'offre une machine à boules.

Quand il a acheté une maison, il n'a pas manqué l'occasion d'acquérir le jeu Funhouse, qui l'avait particulièrement marqué dans sa jeunesse. Il en a aujourd'hui une douzaine chez lui.

«Les machines prennent toute la place dans mon sous-sol, donc mes enfants n'ont pas vraiment de salle de jeu. Je les ai nettoyées, je les ai restaurées», dit-il avant de subir les railleries de ses amis. À force de parler, le pointage de sa partie en cours en a pris pour son rhume.

«Faire le tour»

Comme dans le temps, le hasard y est un peu dans la victoire des joueurs, mais les heures d'entraînement n'y sont certainement pas pour rien. «Faire le tour» de la machine - soit atteindre un pointage si haut que le compteur des points est remis à zéro - n'est pas donné à tous.

Comprendre la passion qui anime ces nostalgiques non plus. «Ma blonde trouve que c'est laid et que ça ramasse la poussière», dit Sylvain Simard, qui a «seulement» trois machines chez lui. «Mais les amis de mes enfants capotent», poursuit-il.

Comme certains de ces collectionneurs, ses enfants n'ont pas connu l'époque des jeux d'arcade. Qu'importe, s'ils s'amusent. «Pour que la machine ait de l'importance, il faut jouer avec pour qu'elle donne ce qu'elle a déjà donné», dit Maxime Racette.

Qui sait, les enfants de ces grands enfants auront peut-être eux aussi la piqûre. Car pour ces hommes, qu'ils soient dans la trentaine ou la cinquantaine, c'est souvent lorsqu'ils étaient des garçons que tout a commencé.

«Quand j'étais petit, je me disais que j'aimerais ça, avoir une machine comme ça chez nous. C'est un rêve de p'tit cul», dit Sylvain Béliveau, avant de retourner à sa machine.