Des bannières publicitaires de multinationales américaines comme General Electric (GE) et Lowe's s'affichent, souvent à leur insu, sur des sites de drague aux États-Unis, ce qui confirme la difficulté des gros annonceurs à maîtriser leur communication en ligne.

Ces campagnes publicitaires, dont le sérieux est en décalage avec le ton libertin de ces plateformes, cohabitent avec des échanges crus et des publicités de marques de lingerie ou de services de réservations d'hôtels en ligne comme Hotel Tonight, racheté récemment par Airbnb.

Elles apparaissent sur des applications comme Bumble, Grindr, Jackd, Gayromeo ou encore Adam4adam qui sont des plateformes de rencontres - souvent d'un soir - et qui respectent les conditions d'utilisation des géants de la Silicon Valley.

Outre le conglomérat GE et la chaîne de centres de rénovation Lowe's, s'affichent aussi à intervalles réguliers les bannières du très réputé cabinet de conseil McKinsey, les moteurs d'avions Pratt & Whitney, l'opérateur boursier CME Group, l'assureur Geico, filiale de Berkshire Hathaway - société de portefeuille du milliardaire Warren Buffett - ou encore Turbo Tax, le groupe de préparation des impôts.

« En apprendre davantage sur les priorités de Larry Culp pour GE en 2019 : améliorer notre position financière, renforcer nos activités en commençant avec l'énergie », vante le groupe industriel sur l'appli Gayromeo.

Bogue

Contacté par l'AFP, General Electric - en difficultés financières depuis plus de deux ans à cause de mauvais paris dans l'énergie et d'erreurs de management - n'a pas souhaité commenter.

Le PDG Larry Culp, aux commandes depuis octobre, veut en particulier faire des économies pour réduire la colossale dette laissée par ses prédécesseurs.

D'après des sources internes,  GE n'était pas au courant de l'apparition de la campagne publicitaire sur des applications de rencontres.

Le fabricant de turbines à gaz a acheté des espaces publicitaires pour diffuser sa publicité sur Twitter, LinkedIn et dans les recherches sur Google, mais un bogue, ou une erreur humaine, aurait coché par mégarde des cases non désirées, provoquant l'envoi vers un large réseau de distribution.

GE s'est rendu compte de la bévue après avoir été contacté par l'AFP et a suspendu temporairement cette campagne.

« Cette plateforme ne fait pas partie de notre stratégie publicitaire et nous nous sommes fait confirmer que c'était un cas isolé dans lequel une partie tierce a placé ces publicités par inadvertance », a pour sa part répondu Lowe's, numéro deux des magasins de rénovation et d'aménagement intérieur aux États-Unis.  

La plupart de ces entreprises ont découvert leur présence sur ces applications après avoir été contactées par l'AFP, selon des sources internes.

C'est la preuve que les sociétés « ne contrôlent pas où leur campagne va être placée en ligne parce que les systèmes des agrégateurs et des agences de pub sont de plus en plus automatisés et pourchassent les consommateurs en fonction de leur historique de recherche », en déduit Jennifer Edson Escalas.

Pour cette professeure en marketing à l'université Vanderbilt, ces « incompatibilités » sont le fruit du développement de la publicité programmatique qui permet aux entreprises d'optimiser, via des algorithmes, leur stratégie marketing en fonction des comportements des internautes.

Désactiver

Google, YouTube, Facebook et Twitter, qui offrent cette solution, sont régulièrement interpellés pour une exposition inappropriée des marques (brand safety).

En février, Disney et Nestlé entre autres ont décidé de retirer momentanément leurs publicités sur YouTube parce qu'elles étaient placées près de vidéos où pullulaient des commentaires à caractère pédophile.

Jennifer Edson Escalas recommande aux entreprises de stipuler dès le départ quels types d'applications elles souhaitent éviter.

Ce n'est pas pour autant un filet de sécurité, comme l'a constaté l'ABA (American bankers Association) dont la bannière s'est retrouvée sur l'application gayromeo, alors même que le lobby bancaire souhaitait limiter son exposition à des plateformes à contenus financiers et technologiques.

« Nous n'avons jamais eu pour intention d'avoir nos pubs en dehors de cette sphère et nous avons pris des mesures pour éviter que ça se reproduise », a déclaré un porte-parole.

L'ABA était passée par Twitter TAP, qui permet aux annonceurs de repousser vers des milliers d'applications approuvées des pubs déjà diffusées sur le réseau social.

Il revient aux annonceurs de désactiver cette fonction ou de bloquer certaines applications pour contrôler leur exposition. Il n'est pas clair si l'ABA avait compris cette nuance.

« Il est important pour les annonceurs de dire quels sont les contenus qui sont appropriés pour leurs marques et nous leur offrons plusieurs outils pour contrôler où leurs pubs sont diffusées », a déclaré à l'AFP une porte-parole de Twitter.

Pour le professeur Hank Boyd, expert en marketing à l'université du Maryland, ces entreprises devraient analyser les données qui ont été collectées sur ces sites de drague.

Et d'ajouter : « Peut-être sont-elles en train d'atteindre un nouveau public, ce qui serait positif d'autant qu'il n'y a pas eu de réaction violente pour l'instant ».