Le bitcoin est peut-être une monnaie virtuelle, mais ses exploitants devront avoir une autorisation bien réelle. L'Autorité des marchés financiers (AMF) exigera dorénavant un permis, qui ne sera délivré qu'après une enquête policière qui démontrera «la probité et les bonnes moeurs» des propriétaires de guichets. Les entreprises devront également vérifier l'identité de leurs clients et tenir des registres des transactions.

Ces obligations, qui sont entrées en vigueur hier, concernent les 18 guichets bitcoin de la grande région de Montréal et celui de Québec, ainsi que 2 plateformes d'échange. Le premier guichet a vu le jour il y a un an boulevard Saint-Laurent. On peut, à ces endroits, acheter comptant des monnaies virtuelles, essentiellement des bitcoins. Les exploitants bénéficieront d'une «période d'ajustement» mais devront demander leur permis «dans les meilleurs délais», dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'Autorité des marchés financiers.

«Il y a une précision importante à faire: l'AMF va encadrer les guichets automatiques offrant la monnaie virtuelle, mais l'AMF n'encadre pas pour autant ces monnaies, dit M. Théberge. On réitère les messages de prévention au consommateur. Ça demeure une monnaie virtuelle avec beaucoup de risque.»

Dans son communiqué, l'AMF souligne en outre que l'anonymat des transactions et leur faible coût pourraient être utilisés pour «faciliter la fraude», notamment des «combines à la Ponzi». «On n'a pas de dossiers ou d'éléments qui nous permettent de croire qu'on a ça au Québec, mais ça s'est vu ailleurs dans le monde», dit M. Théberge.

«Mythe populaire»

À l'Ambassade Bitcoin, boulevard Saint-Laurent, on se dit d'entrée de jeu prêt à satisfaire rapidement aux exigences de l'AMF. Concrètement, on va assister les deux exploitants des guichets au rez-de-chaussée de l'immeuble abritant l'organisme, précise Francis Pouliot, directeur des affaires publiques à l'Ambassade.

Il estime que cette décision de l'AMF vient confirmer indirectement que le bitcoin est bel et bien une monnaie, ce que contestent la plupart des banques centrales.

M. Pouliot déplore toutefois que l'AMF associe les monnaies virtuelles à la fraude et aux systèmes pyramidaux à la Ponzi. «Ça n'a aucun fondement dans la réalité, ce n'est soutenu par aucune preuve», dit-il. Il trouve en outre «particulier» que l'AMF ait pris cette décision alors qu'Ottawa élabore actuellement son propre projet de règlement sur les monnaies virtuelles.

«Les entrepreneurs québécois auront un fardeau administratif deux fois plus lourd que leurs homologues dans les autres provinces lorsque la réglementation fédérale sera implantée», affirme-t-il.

Quant à l'anonymat des transactions mentionné par l'AMF, il s'agit d'un «mythe populaire», soutient-il. Toutes les transactions sont inscrites dans un registre public décentralisé validé par des millions de participants. «Sans nul doute, les billets de banque canadiens sont beaucoup plus anonymes et plus propices pour des usages criminels que le bitcoin», a précisé M. Pouliot par courriel.

Qu'est-ce que le bitcoin?

Créée en 2009 par un informaticien, cette monnaie virtuelle est gérée par un algorithme complexe plutôt que par une banque centrale. Son cours, qui a atteint 1130$US en novembre 2013 avant de dégringoler, dépend entièrement de l'offre et de la demande. Tous les jours, 3600 nouveaux bitcoins sont versés en salaire à ceux qui utilisent leurs ordinateurs pour «miner», c'est-à-dire maintenir l'intégrité de ce gigantesque registre. Hier, on comptait 13,8 millions de bitcoins en circulation, d'une valeur unitaire de 276$CAN. Il s'agit, de loin, de la monnaie virtuelle la plus importante, avec une valeur représentant 92% de toutes celles qui sont répertoriées.