Google devrait éviter des sanctions financières de plusieurs milliards grâce à ses propositions pour remédier aux entraves à la concurrence dont il est accusé en Europe, jugées satisfaisantes par la Commission européenne après une enquête de plus de trois ans.

«La nouvelle proposition de Google est de nature à résoudre les problèmes de concurrence» dont le géant d'internet est accusé sur le marché de la recherche et de la publicité en ligne, a annoncé mercredi le commissaire chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia, au cours d'un point de presse.

Les plaignants vont désormais pouvoir faire connaître leur propre position avant que la Commission ne prenne une décision finale pour décider si elle rend les engagements de Google légalement contraignants, un processus qui va durer «plusieurs mois», a averti le commissaire européen. Mais il est peu probable qu'elle change d'avis dans ce laps de temps, a-t-il reconnu.

Le géant d'internet devrait donc échapper à des sanctions financières record, une excellente nouvelle pour lui, en particulier au moment où des informations de presse font état d'un possible redressement fiscal d'un milliard d'euros dont il pourrait faire l'objet en France.

Dans les cas d'entrave à la concurrence, les amendes infligées par la Commission européenne peuvent atteindre 10% du chiffre d'affaires annuel du groupe. Celui de Google a atteint 59,8 milliards de dollars en 2013, ce qui aurait signifié une amende pouvant aller jusqu'à près de 6 milliards de dollars.

«Nous allons faire des changements importants dans la manière dont Google opère en Europe», a réagi dans un communiqué un porte-parole de Google, Kent Walker. «Nous travaillons avec la Commission européenne pour résoudre les problèmes qu'elle a soulevés et sommes impatients de résoudre cette affaire».

Google se voyait reprocher principalement de mettre en avant ses propres services au détriment des autres moteurs de recherche spécialisés, par exemple des comparateurs de prix comme Kelkoo ou des sites spécialisés dans les voyages comme Expedia ou lastminute.com.

Dans sa dernière offre, le géant américain s'engage, lorsqu'il proposera ses propres services pour des restaurants, des hôtels ou des produits de consommation par exemple, à proposer aussi les services de trois concurrents sélectionnés selon une méthode objective.

Les services concurrents seront présentés d'une manière clairement visible pour les utilisateurs et comparable à celle dont Google présente ses propres services, explique la Commission.

Négociations «longues et difficiles»

Une entité nommée par la Commission, mais indépendante, sera chargée de vérifier si Google respecte ses engagements, qui lui seront imposés pour une durée de cinq ans.

Google s'est également engagé à donner aux fournisseurs de contenu la possibilité d'un «opt-out» (option de retrait) s'ils veulent que leurs contenus ne soient pas utilisés dans ses sites de recherche spécialisés, sans qu'ils en soient pénalisés. Il s'est également engagé à ne pas imposer de contrats d'exclusivité dans ses accords de publicité.

Ce début d'épilogue intervient au terme d'une longue enquête, ouverte en novembre 2010 et émaillée de plusieurs rebondissements: la Commission a manifesté à deux reprises l'année dernière son refus des engagements proposés par Google, jugés insuffisants et dont ses concurrents estimaient qu'ils ne feraient que renforcer son avantage.

Les négociations ont été «longues et difficiles», et les dernières discussions entre Google et la Commission en janvier «ont été très intenses», a reconnu M. Almunia mercredi. Mais il n'a jamais caché qu'il préférait une solution à l'amiable à un contentieux «qui aurait duré de nombreuses années, avec de nombreuses incertitudes».

L'organisation Icomp, qui regroupe plusieurs plaignants et concurrents de Google, dont Microsoft, a amèrement réagi mercredi, regrettant que M. Almunia ait «choisi d'ignorer l'avis d'experts» et qualifiant ce choix d' «énorme échec».

«Nous sommes très déçus», a réagi de son côté le groupe Allegro, une société de commerce électronique présente en Europe de l'Est, car «la solution proposée par Google n'assure pas d'égalité de traitement» entre les acteurs d'internet.

M. Almunia a souligné que les enquêtes de la Commission visaient «les abus, pas la position dominante» elle-même, et que c'était l'intérêt des consommateurs et non des concurrents, qui avait été pris en compte.

Il a aussi insisté sur le fait qu'«aucune autre autorité de concurrence n'avait obtenu cela» de Google, pas même les autorités américaines.