Popularisé par le récent succès du site américain Kickstarter, le financement collectif par l'internet, ou crowdfunding, intéresse les technos canadiennes. Celles-ci souhaiteraient voir les autorités financières mieux encadrer le phénomène afin de faciliter leur accès à cette forme émergente de capital d'amorçage.

Des sites comme Kickstarter, Kiva.org et Zopa connaissent un succès immense depuis deux ans. Le fonctionnement de ces trois sites est simple: ils présentent publiquement des projets d'entreprises soumis par des internautes en quête d'investisseurs. Si suffisamment de gens se manifestent, ils obtiennent alors le capital nécessaire au lancement de leur entreprise, sans risquer d'en perdre le contrôle aux mains de banquiers pressés de rentabiliser leur affaire.

>>>>Suivez Alain McKenna sur Twitter: @mcken

À eux trois, ils ont déjà permis à des dizaines de milliers de petites et très petites entreprises de voir le jour, à l'échelle de la planète. Ça a évidemment fait boule de neige, plusieurs entrepreneurs ayant créé des sites similaires, et d'autres plus nombreux encore veulent à leur tour se prêter au jeu du financement collectif.

Le financement collectif en tant que tel n'est pas nouveau, mais l'internet en a manifestement relancé la popularité. À lui seul, Kickstarter affirme recevoir plus de 2000 projets par semaine ne demandant qu'à être financés par le grand public. Selon la firme Gartner, le financement collectif est en plein essor: de 1,13 milliard de dollars en 2009, sa valeur totale devrait exploser à 6,2 milliards, en 2013.

Une zone grise du monde de l'investissement

Pas surprenant alors que l'Alliance canadienne des technologies avancées ait récemment voulu imiter Kickstarter, en lançant sa propre plateforme web de financement collectif. La CATA, qui regroupe la plupart des grandes entreprises technologiques du pays, espérait ainsi contribuer à l'essor du secteur technologique canadien. «Ça permet aux anges investisseurs, à la famille et aux amis de prêter de l'argent à une jeune entreprise tout en s'assurant d'en bénéficier si elle obtient un succès commercial. C'est le prolongement naturel du capital-risque actuel», estime John Reid, président de la CATA.

Sauf que ce n'est pas si simple. Ses avocats ont immédiatement indiqué à l'organisme canadien que les règles du financement ne l'autorisaient pas clairement à créer une telle plateforme. C'est que le financement collectif par l'internet tombe dans une zone grise des lois nord-américaines régissant les valeurs mobilières.

Au Canada comme aux États-Unis, solliciter l'investissement du grand public est illégal, à moins d'être enregistré auprès des autorités compétentes ou de le faire à des fins caritatives.

Pour le moment, cette barrière empêche le financement collectif de prendre plus de place dans le secteur du capital-risque. Aux États-Unis, c'est au niveau fédéral que ça se joue. À Washington, les pressions ont eu pour effet qu'un projet de loi a été soumis. Tout indique que le financement collectif par l'internet sera bientôt encadré convenablement, autorisant le modèle à condition d'empêcher toute forme d'abus.

Au Canada, c'est plus compliqué puisqu'il en revient à des organismes provinciaux comme l'Autorité des marchés financiers, au Québec, de réglementer le secteur. La CATA fait donc pression sur ces organismes afin qu'ils prêtent une oreille attentive à ses doléances.

L'organisme est optimiste. «Ce que nous prévoyons, c'est qu'une province comme le Québec, par exemple, créera un cadre officialisant ce type de financement et que les autres provinces vont suivre le pas. Sinon, il faudra voir comment les États-Unis vont agir et comme souvent dans ces cas-là, il faudra faire du rattrapage», conclut John Reid.