Amazon, Apple et Google comptent à nouveau révolutionner le marché de la musique, mais cette fois, le simple fichier MP3 n'est plus dans le coup. En échange d'une mensualité, l'abonné aura accès à une collection musicale quasi infinie, sur demande, entièrement stockée dans le nuage internet. Cette évolution logique du marché fait craindre le pire pour l'industrie musicale québécoise.

En lançant le service Cloud Drive à la fin mars, Amazon a coiffé de quelques semaines ses deux grands rivaux du commerce en ligne. Cloud Drive offre de l'espace de stockage sur les serveurs d'Amazon où les internautes peuvent déposer la musique qu'ils viennent d'acheter... chez Amazon. Elle peut ensuite être lue à volonté à partir d'un ordinateur personnel ou d'un appareil mobile Android.

La formule n'est pas nouvelle : d'autres entreprises offrent déjà des produits similaires. Grooveshark et Rdio.com en sont deux actifs au Canada. Ce qui est nouveau, c'est que les géants de la Silicon Valley se penchent désormais sur ce phénomène.

La raison de cet engouement est simple. « C'est la prochaine étape logique de la vente de musique numérique, explique Mark Mulligan, analyste chez Forrester qui suit de près ce marché. Dans un avenir proche, l'achat de musique à la pièce ne sera plus la principale source de revenus pour l'industrie. C'est la porte d'entrée vers des achats plus substantiels, plus profitables. Ces entreprises, Amazon en tête, l'ont compris. «

Ainsi, Apple a acquis le service de recommandation musicale Lala.com dès 2009. Depuis, on annonce l'arrivée d'une version « dans le nuage « de sa boutique iTunes, leader incontesté de la vente de musique en ligne, sur une base trimestrielle.

Cette fois serait la bonne : plusieurs rumeurs indiquent qu'Apple lancera bientôt, sous forme d'abonnement annuel, une sorte de buffet musical à volonté, basé sur MobileMe, sa plateforme infonuagique. Du côté de Google, on aimerait mettre enfin un pied dans ce marché. Le lancement d'une solution de partage de musique entre différents appareils Android serait imminent.

L'industrie musicale québécoise risque gros

Au Québec, la réaction est moins enjouée. Comme l'a démontré l'arrivée de Netflix pour la vidéo sur demande, les fournisseurs de services internet font tout ce qu'ils peuvent pour contrôler ces services, voire les freiner, puisqu'ils sont gourmands en bande passante.

Caroline Fontaine, spécialiste de la musique sur l'internet, est catégorique. « Celui qui va faire de l'argent n'est pas l'artiste, mais encore celui qui offre le service : le fournisseur d'accès. Je ne vois donc aucune nouvelle occasion pour les artistes, au contraire. Au Canada, le droit d'auteur ne s'applique pas sur ce type de diffusion. «

Moins de revenus pour les artistes et leurs promoteurs, mais une occasion d'améliorer leur présence auprès des consommateurs, note David Dufresne, fondateur de Bandzoogle, service de création de sites web pour musiciens. À une condition : abandonner le modèle traditionnel de vente d'albums.

« Je doute que la musique sur ces services soit payante pour les artistes. Les tournées et les produits dérivés deviendront plus importants. Un service de musique dans le nuage pourrait devenir une façon géniale de renforcer l'engagement des admirateurs, mais l'industrie d'ici semble vouloir encore vendre des CD. «

Ça laisse beau jeu aux géants américains pour contrôler ce nouveau marché, ce qu'ils semblent tout à fait prêts à réaliser.

Pour joindre notre collaborateur: alain.mckenna@lapresse.ca