Alors qu'un nombre croissant de médias internet s'interrogent sur le bien-fondé de l'anonymat sur la toile, accusé de favoriser les dérives agressives ou racistes, le forum 4chan le revendique au contraire comme une indispensable garantie de créativité.

Rester anonyme en ligne permet aux gens de se lancer, sans peur de l'échec ou des critiques, a fait valoir le fondateur de ce site culte de l'internet anglophone, Christopher Poole, surnommé «moot», lors du festival musical et technophile South By Southwest qui a fermé ses portes mardi au Texas.

«L'échec peut vraiment coûter cher quand on est identifié par son vrai nom», selon M. Poole. À contrario, «l'anonymat permet aux gens de tâtonner tant qu'ils veulent, sans peur», dit-il, assurant que «l'anonymat, c'est l'authenticité».

Selon lui, le modèle retenu pour Facebook, qui propose à chacun de s'en tenir à une identité sur le web, est «totalement dans le faux» et prive la vie en ligne de «l'innocence de la jeunesse». «Sur 4chan les gens sont jugés par l'esprit de leurs contributions, non selon qui ils sont», ajoute M. Poole.

4chan s'est fait connaître notamment comme le berceau des pirates Anonymous, actifs notamment dans la défense du site WikiLeaks.

Il comporte plusieurs sections, parmi lesquelles des sites de partage d'images et de dessins, parfois à connotation pornographique, et un site de discussions.

«4chan est le côté sombre d'internet», estime M. Poole pour présenter le site, lancé à l'origine en 2003 par et pour les amateurs de la culture japonaise en général et des mangas en particulier.

«C'est le pouls (d'internet), connu pour ses mèmes (concepts rencontrant rapidement une grande popularité sur l'internet) et ses exploits, pour l'activisme», a-t-il précisé. «Je ne conseille pas d'aller farfouiller (sur le site) sans savoir sur quoi on clique».

Selon lui, environ 16 000 personnes surveillent chaque jour les forums 4chan -qui non seulement n'identifient pas leurs utilisateurs, mais ne gardent même aucunes archives des commentaires laissés par les visiteurs.

«C'est une cascade infinie de contenus qui apparaissent et disparaissent du site», dit M. Poole, «ce qui mène à cette idée de la survie du plus fort, où ce qui trouve un écho dans la communauté reste sur le site, tandis que le reste tombe dans l'abîme».

Le dernier projet en date de M. Poole s'appelle Canvas, mais il déroge au règne de l'anonymat. La version pilote est en phase de test sur Facebook, et les utilisateurs doivent obtenir une invitation spécifique.

«C'est un peu nécessaire», concède M. Poole, «c'est une façon d'exclure (...) les gens qui viennent pour faire des embrouilles».

Canvas, un forum où chacun peut «trouver et manipuler» des images mises en ligne par d'autres: «un site formidable où les gens jouent, partagent, collaborent et passent du temps» selon M. Poole, montrant par exemple, une photo du crooner adolescent Justin Bieber, affublé d'un affreux double menton.