Les «apéros géants», de gigantesques rassemblements regroupant plusieurs milliers de personnes désireuses de boire ensemble, sont en plein essor, portés par le site Facebook, mais les autorités s'inquiètent de leur impact sur la sécurité publique.

Quelque 4000 personnes réunies à Rennes en mars, plus de 7000 à Brest en avril : le concept s'est répandu progressivement dans toute la France et attire de plus en plus d'individus cherchant à «partager un moment de convivialité», assure Thomas, 25 ans, qui a participé à l'édition rennaise.D'autres manifestations du même genre sont d'ores et déjà prévues pour les prochaines semaines, notamment sous la Tour Eiffel fin juin et à Rouen début juillet.

Le procédé est à chaque fois identique : un internaute crée une page sur Facebook donnant un jour et un lieu de rendez-vous avant d'être rejoint par des milliers d'autres.

«Il y a une sorte d'émulation entre les villes», reconnaît Pierre Labrunie, 30 ans, à l'origine d'un apéro géant prévu à Bergerac en juin et dont le groupe sur le site de Facebook rassemble près de 1800 personnes.

«C'est aussi l'occasion d'offrir une ambiance festive pour un coût modéré», ajoute-t-il.

Alors qu'internet est parfois accusé d'enfermer les individus derrière leur écran, ce phénomène «prouve le contraire», fait valoir Christophe Moreau, sociologue à l'Université Rennes-II. Ce chercheur est notamment spécialisé dans l'étude des phénomènes de jeunesse, comme par exemple les «rave party».

«Les jeunes prennent une forme de revanche avec les apéros géants, au cours desquels on va plus miser sur la relation physique que sur des rapports virtuels», souligne-t-il.

«Si on fait se rencontrer deux personnes qui créent du lien, la mission est déjà réussie», renchérit Stéphane Atlas, 37 ans, à l'initiative d'un rassemblement annoncé pour le 22 mai à La Rochelle.

Mais, du côté des autorités, ces manifestations ne sont pas toujours perçues positivement.

Des «apéros géants» devant se tenir à Foix et à Montpellier ont par exemple été interdits en avril.

Pour justifier leur décision, les préfectures de l'Ariège et du Languedoc-Roussillon ont mis en avant les «risques de troubles à l'ordre public» que pourraient entraîner ces rassemblements ainsi que les «risques de sécurité sanitaire» concernant les plus jeunes.

Une solution pour éviter les interdictions d'apéros géants serait de faire en sorte que les responsabilités soient «partagées entre les autorités et la personne qui a lancé l'invitation», préconise Christophe Moreau.

Dans cette veine, les Verts-Europe Ecologie de Montpellier ont proposé à la Ville d'être co-organisatrice d'un apéro géant prévu le 12 mai.

«Cet appel pour un apéro géant capable de rassembler autant de monde doit être entendu. Faisons en sorte que la collectivité sache écouter les habitants et finalement organiser ce qu'ils demandent», ont-ils expliqué dans un communiqué.

Pointée du doigt lors de ces rassemblements, l'alcoolisation massive est «liée à un vide durant la fête et au risque de s'ennuyer», fait valoir M. Moreau.

Pour pallier ce problème, les villes devraient «faire des propositions de contenu culturel avec des espaces consacrés à la musique, aux arts numériques et à la danse», propose le sociologue.