La ministre de la Culture, Christine Albanel, entend aller de l'avant sur son projet de loi de lutte contre le piratage en ligne, qu'elle espère pouvoir présenter au Sénat début novembre, en dépit des critiques que ce texte suscite au niveau du Parlement européen.

Basé sur le principe de la «riposte graduée», le projet de loi veut dissuader les internautes de télécharger illégalement des oeuvres, d'abord en leur envoyant des avertissements, puis en suspendant provisoirement leur abonnement à internet pour une durée de un à trois mois. En cas de récidives multiples, la durée de suspension, qui sera décidée par une haute autorité administrative, pourra aller jusqu'à un an.

Mercredi, les eurodéputés ont inclus dans «le paquet télécom» un amendement de la socialiste Catherine Trautmann qui stipule qu'aucune restriction aux droits et libertés des internautes ne peut être imposée sans une décision judiciaire préalable.

Le député européen Guy Bono (PS), qui ferraille depuis des mois contre le projet français de lutte contre le piratage, a considéré que le gouvernement devait de ce fait «revoir sa copie». «L'Europe interdit la riposte graduée», a-t-il affirmé.

La ministre de la Culture, Christine Albanel, a vivement réagi dans un communiqué en réfutant l'interprétation de Guy Bono.

«Le vote du Parlement européen ne s'oppose pas à l'approche préventive et graduée contre le piratage prévue par le projet de loi "Création et internet"», a considéré la ministre.

Mme Albanel a déploré «l'acharnement» de Guy Bono «qui emprunte le détour d'un débat ésotérique portant sur des directives techniques relatives aux télécommunications».

De son côté, le secrétaire d'Etat à la Consommation, Luc Chatel, a noté, à l'issue d'un Conseil des ministres européens consacré à la compétitivité à Bruxelles, que «l'amendement n'avait été demandé par aucun Etat membre et que la commissaire (européenne aux Télécoms Viviane) Reding s'était exprimée pour dire qu'elle n'était pas favorable».

Le vote des députés européens a déclenché jeudi un déluge de protestations en France de la part du monde de la musique et de la production audiovisuelle.

L'ARP, société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs, et la SACD (Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques) ont «déploré» l'adoption de l'amendement européen, tout en soulignant sa «portée limitée».

Le Snep, principal syndicat de producteurs de disques, a considéré que le projet de loi français était «toujours pertinent malgré le vote du Parlement européen».

La Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), a réaffirmé son soutien au projet de loi, le jugeant «plus nécessaire que jamais».

Les producteurs indépendants de films et de musique, l'APC et l'UPFI, ont «dénoncé les manoeuvres visant à empêcher la création d'une voie entre le tout répressif et le tout libertaire sur internet».

De son côté, le porte-parole de l'UMP et député des Hauts-de-Seine, Frédéric Lefebvre, a demandé au gouvernement d'inscrire «en urgence» le projet de loi à l'ordre du jour du Parlement.

«Si le gouvernement n'inscrivait pas ce texte dans les prochaines semaines, l'UMP souhaite que la réforme des institutions soit mise à profit pour l'inscrire dans le cadre de l'ordre du jour réservé au Parlement», a déclaré M. Lefebvre dans un communiqué.

Le projet de loi constitue la transcription législative des accords de l'Elysée préparés par Denis Olivennes et signés le 23 novembre 2007, en présence de Nicolas Sarkozy, par une quarantaine d'organismes représentant les secteurs de la musique, du cinéma mais aussi les fournisseurs d'accès à internet.