Alors que la presse chinoise, étroitement contrôlée par le régime, distille jour après jour autant de bonnes nouvelles que possible sur le séisme du 12 mai, l'internet offre à la population un espace pour critiquer les autorités sur leur gestion de la catastrophe.

Certains font la liste des nombreuses écoles qui se sont effondrées comme des châteaux de carte dans le tremblement de terre, laissant entendre que des responsables corrumpus auraient permis à des entrepreneurs véreux de lésiner sur la qualité des matériaux de construction pour faire plus de profit.

D'autres osent s'attaquer à la très élogieuse image que le gouvernement a voulu présenter du Premier ministre Wen Jiabao, dont le visage empreint de compassion apparaissait tous les soirs de la semaine dernière sur les chaînes de la télévision d'Etat, supervisant les premiers secours.

«Sa réaction n'était pas si extraordinaire«, estime un bloggueur sur un site très fréquenté de la communauté internet chinoise, www.douban.com.

Une question aussi taraude les utilisateurs de la toile: pourquoi les sismologues chinois n'ont-ils pas pu prévoir le tremblement de terre, de magnitude 8 sur l'échelle de Richter et qui a fait plus de 72.000 morts et disparus dans le sud-ouest du pays ?

Certains vont jusqu'à accuser l'Administration de sismologie de Chine de n'avoir pas tenu compte d'informations annonçant l'imminence d'une secousse majeure.

Mardi, ces attaques ont pris une telle ampleur que cet organisme a dû y répondre dans un communiqué officiel, affirmant n'avoir reçu aucune alerte «prédisant ce tremblement de terre à court terme».

Les autorités chinoises sont régulièrement la cible d'organisations de défense de la presse qui dénoncent leur strict contrôle des médias.

Pour Reporters sans frontières (RSF), le régime communiste fait partie des «ennemis de l'internet». L'organisation, basée à Paris, estime que des dizaines de journalistes chinois et de cyber-dissidents ont été emprisonnés pour des écrits qui ne rentraient pas dans la ligne officielle.

La semaine dernière, le chef national de la propagande, Li Changchun, a rendu visite à l'agence Chine Nouvelle et à la la télévision centrale (CCTV), les deux plus puissants médias officiels, pour les inciter à assurer une couverture positive de la catastrophe.

La censure explique que la critique se retrouve sur l'internet, mais en partie seulement, estime Joseph Cheng, professeur de sciences politiques à l'Université de Hong Kong. Car le séisme alimente le patriotisme d'une partie de la population elle-même convaincue que le temps n'est pas aux dissensions.

«Pendant cette période d'intenses émotions et de patriotisme, on tolère très très peu la dissidence ou la critique», estime-t-il. «Si quelqu'un essaie de dire quelque chose de politiquement incorrect, il sera vivement critiqué».

Avec le temps, davantage de voix pourraient cependant s'élever, estime Xiao Qiang, professeur spécialisé sur l'internet en Chine à l'université californienne de Berkeley.

«Après la période de deuil national, on peut s'attendre à entendre davantage de voix critiques sur l'internet et dans une moindre mesure dans les médias chinois aussi», prédit-il.