Pour sortir du lot face à leurs concurrents et se démarquer d'internet, les magazines se relookent et cherchent à redonner à leurs lecteurs le plaisir du feuilletage, ont expliqué des directeurs artistiques mardi dans le cadre de la semaine de la presse magazine.

Pour sortir du lot face à leurs concurrents et se démarquer d'internet, les magazines se relookent et cherchent à redonner à leurs lecteurs le plaisir du feuilletage, ont expliqué des directeurs artistiques mardi dans le cadre de la semaine de la presse magazine.

«La presse magazine cherche à dire que le papier n'est pas mort. Elle veut surprendre à chaque page, attirer le regard du "lecteur-zappeur" et réaffirmer son identité», a souligné le consultant Patrick Mathieu, en présentant une étude sur les tendances du secteur à travers le monde.

Pour marquer leur différence face à internet, les magazines prêtent une attention particulière à la qualité du papier ou privilégient des couleurs difficilement utilisables sur un écran d'ordinateur : le noir et blanc, le doré et l'argenté, les couleurs fluos.

Certains, parmi les titres les plus haut de gamme, sont délibérément de grand format ou volumineux, jouent avec la typographie jusqu'à la limite de la lisibilité et «peuvent se rapprocher du livre, voire du livre d'art», a souligné M. Mathieu.

Toujours par contraste avec internet, on voit apparaître une esthétique du «fait-main».

Au moment où les logiciels informatiques permettent de retoucher des photos de façon quasi-invisible, le magazine une fabrication artisanale.

«Dans les écoles qui forment les futurs directeurs artistiques, les étudiants se remettent à la colle, aux ciseaux et au découpage d'images. Ils prennent de la distance par rapport à leur écran», a indiqué Pierre Ponant, professeur dans des écoles d'art.

De Jalouse à Modes et Travaux, on voit se multiplier photos de mannequins ou de personnalités grossièrement détourées, images donnant l'impression d'être scotchées ou agrafées et même reproduction de polaroïds, a confirmé M. Mathieu.

Alors que les articles courts sont de mise sur internet, les journaux cherchent au contraire à varier les plaisirs en donnant différents tempo à la lecture.

On alterne des pages chaudes bigarrées, rythmées, où brèves et photos sont imbriquées, avec des pages froides, plus calmes, où texte et illustrations sont séparés pour mettre en valeur les articles.

Les directeurs artistiques veulent «valoriser la culture du feuilletage», en concevant le «chemin de fer» (le déroulé du journal, ndlr) de telle sorte que le lecteur puisse lire le journal à rebours ou picorer dans les différentes séquences.

«On ne fera jamais une page de la même façon si elle est placée au début, au milieu ou à la fin du journal», a expliqué Yves Goube, directeur artistique de Elle, un féminin décliné dans une quarantaine de pays.

«On a un début un peu "destroy", rythmé pour bien lancer le journal, puis des pages plus calmes pour les reportages ou les articles de fond», a-t-il ajouté.

Ces techniques de mise en page, qui s'appuient sur des codes artistiques à décrypter, permettent également au titre de créer un lien de connivence avec un lecteur qui «zappe» de plus en plus entre divers magazines.

«A long terme, internet peut conduire à une revalorisation de la presse écrite si elle entend bien son rôle: faire un produit de qualité, avec des contenus valorisants, qui vont de pair avec le plaisir de lire, de feuilleter», a estimé l'éditeur du féminin Jasmin, Axel Ganz.

Mais l'audace des éditeurs varie selon les pays et la France apparaît plutôt timorée.

«Il y a un lien très clair entre économie et créativité. Quand tout va bien, on ose, on est beaucoup plus frileux quand le marché se recentre», selon M. Ganz.