Deux anciens employés de Google viennent de lancer à New York une application de messagerie mobile uniquement vocale, Cord, pariant sur un retour croissant de la voix dans le secteur «tech» pour s'imposer.

Après cinq ans à travailler au lancement des derniers gadgets du géant technologique, dont les lunettes connectées Google Glass, le Français Thomas Gayno, expert en marketing internet, et Jeff Baxter, un designer informatique américain, ont quitté le navire Google au printemps.

Sur une idée du jeune Français, ces deux jeunes soldats de la Silicon Alley new-yorkaise estiment avoir déniché une «énorme opportunité»: redonner «envie aux gens de se parler» par téléphone, sans combiné, ni clavier, ni répondeur.

L'application, disponible sur l'App Store d'Apple depuis septembre, et bientôt sur Android de Google, permet d'envoyer un message vocal de 12 secondes maximum, à une ou plusieurs personnes, en une touche.

Pas de texte ni de chiffre sur cette messagerie. Seuls sont visibles les visages de contacts favoris, placés chacun dans un cercle, sur lequel il suffit d'appuyer une fois pour écouter un message, et plus longuement pour répondre.

Dès juin, ils lèvent 1,8 million de dollars lors d'un premier tour de table pour financer leur nouveau projet, intitulé Cord Project.

Parmi les investisseurs, quelques gros noms: Google Ventures, mais aussi Kenneth Lerer, cofondateur du Huffington Post, David Hirsch, ancien de Google, mais aussi en France Xavier Niel ou Pierre Kosciusko-Morizet.

Sur les messageries instantanées, l'audio est l'option la plus secondaire, «la plus mal servie» puisqu'on ne peut pas la parcourir d'un coup d'oeil, note M. Baxter, lors d'un entretien avec l'AFP, au sein de ses bureaux en espace partagé, dans le quartier branché de Williamsburg, à Brooklyn.

Or la voix, comme mode privilégié de communication, n'est pas morte, loin de là, insistent les cofondateurs de Cord, en écho à un nombre croissant de start-ups du secteur (Voxer, ChitChat, Sobo) mais aussi de grands de la Silicon Valley.

«Un simple message de 10 à 15 secondes peut transmettre une idée, un ton, une émotion plus vite et plus efficacement que toute autre méthode de communication», indique à l'AFP Rich Miner, l'un des pères du système d'exploitation Android, qui dirige Google Ventures.

Une étude annuelle menée par le secteur des opérateurs mobiles américains (CTIA) a montré que le volume d'appels a augmenté de presque 14 % en 2013, même si cette progression est en partie attribuable à la disparition progressive des lignes fixes.

Et en Asie, «où il est encore plus pénible de taper sur un clavier de téléphone» à cause des caractères, «les messages vocaux sont en train de croître très rapidement», fait valoir Thomas Gayno.

D'autant que ces anciens de Google se préparent au boom des appareils connectés, une manne potentielle sur laquelle misent leurs investisseurs américains et européens.

«Beaucoup de ces objets intelligents - comme (le thermostat) Nest, les montres, les (Google) Glass et les voitures comme chez Tesla - n'ont pas de clavier facile à utiliser et la voix peut jouer dans ce cas le rôle d'un système d'exploitation», explique l'investisseur David Hirsch à l'AFP.

Au-delà de la reconnaissance vocale d'un Siri chez Apple ou Cortana chez Microsoft, «les appareils connectés auront besoin d'un outil de communication universel que Cord pourrait apporter», espère-t-il.

Il reste qu'après le lancement en septembre de l'option vocale sur l'iMessage d'Apple (iOS 8) après d'autres mastodontes tels que WhatsApp ou Facebook Messenger qui réunissent des centaines de millions d'utilisateurs, exister sera difficile, selon les analystes.

«La voix jouera un rôle clef pour contrôler les nouveaux gadgets [...]. Je doute cependant qu'un service se basant sur la seule promesse d'un service vocal puisse prendre de l'ampleur», juge Thomas Husson, de Forrester Research.

Pour Roger Kay, de Endpoint Technologies Associates, Cord a toutefois mis le doigt sur une niche: «Le son reste négligé. Et quand une entreprise se concentre sur quelque chose et le fait vraiment bien, au lieu d'essayer de tout faire [...] et que les gens trouvent ce service utile, alors il y a de la place.»