Dans les années 60, l'auteur de science-fiction anglais Arthur C. Clarke parlait d'une machine à répliquer imprimant à volonté des objets du quotidien. Pure fiction il y a un demi-siècle, c'est aujourd'hui réalité. La frontière entre le réel et le numérique se brouille encore un peu plus...

Au Québec, ils sont nombreux à posséder une imprimante 3D. C'est un appareil qui transforme un long ruban de plastique en des objets de taille diverse. Par l'intermédiaire de sites web comme Instructables et Thingiverse, ils s'échangent les plans numériques d'objets qu'ils peuvent ensuite «imprimer» chez eux, à volonté.

Ces objets ont une taille limitée par la capacité modeste des imprimantes 3D accessibles au commun des bidouilleurs, mais la technologie évolue sans cesse. Une imprimante 3D qui coûtait plusieurs milliers de dollars il y a trois ans s'achète aujourd'hui pour quelques centaines de dollars. Les imprimantes MakerBot, au coeur du phénomène, coûtent de 1400$ à 2800$.

Pour 1500$, le site Up! USA offre la PP3DP (pour «Portable Personal 3D Printer»), un appareil que s'est récemment procuré Samuel Bernier, universitaire québécois féru de «DIY», projets en tout genre à réaliser soi-même. Depuis, de la tasse à café à l'abat-jour en passant par diverses pièces de rechange pour appareils défectueux, il n'y a pas grand-chose à son épreuve.

«C'est simple: on crée le rendu 3D d'une pièce sur son ordinateur, on traduit ça en un fichier qui peut être lu par l'imprimante et on le lui transmet. Quelques minutes après, on tient l'objet entre ses mains», résume le jeune ingénieur, qui offre gratuitement les plans de ses propres créations sur le site Instructables.com.

Le monde physique piraté?

Comme les romans de Clarke, le monde physique commence à être victime d'un phénomène bien connu du numérique: le piratage. On prédit que, bientôt, les imprimantes 3D seront livrées avec un numériseur qui facilitera la réplique d'objets en tout genre.

Il suffira d'acheter un seul de ces accessoires pour la maison qu'on trouve chez Ikea et de revenir chez soi afin d'en imprimer une douzaine. Ou d'imprimer ce fameux bloc Lego qui manque toujours pour terminer d'assembler un chef-d'oeuvre miniature. Ça donne un nouveau sens au terme délocalisation...

Le phénomène a commencé à faire réagir les experts en propriété intellectuelle. Le printemps dernier, à la conférence South by Southwest d'Austin, au Texas, l'avocat Michael Weinberg, spécialiste de ces questions, a expliqué qu'il y a violation du droit d'auteur uniquement si on reproduit les formes artistiques ornant les objets qu'on reproduit.

Ça a rassuré les adeptes d'impression 3D. Le jour où le phénomène prendra l'ampleur du téléchargement de fichiers MP3, ça risque de changer. Les fabricants voudront s'assurer que la réplique d'objets demeurera un sujet de science-fiction le plus longtemps possible...

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