Le cours de maths, c'est dans le salon familial. Celui d'histoire ou d'italien aussi. Pour des milliers de petits Américains, l'école se fait à la maison, une pratique ancienne, marginale, mais de plus en plus répandue aux États-Unis, notamment grâce à l'Internet.

Selon le ministère de l'Education, 1,5 million d'enfants de 5 à 17 ans - 2,9% des élèves de cet âge - étaient en 2007 scolarisés à domicile contre 850 000 en 1999, soit 74% de plus en huit ans.

Pour le National Home Education Research Institute (NHERI), un institut spécialisé, ils étaient 2,2 millions en 2010.

L'enseignement est obligatoire aux États-Unis mais son organisation est de la prérogative des 50 États. Tous reconnaissent le «homeschooling» et la moitié d'entre eux n'exercent aucun contrôle des programmes.

Seule obligation: déclarer qu'on le pratique.

Le mouvement a commencé dans les années 1970, dit à l'AFP Milton Gaither, auteur d'une histoire du «homeschooling», avec d'un côté les «tenants d'une contre-culture refusant le formatage des enfants par l'école et de l'autre, les religieux s'inquiétant de sa laïcisation selon eux».

Il est «de tradition de se méfier du gouvernement aux États-Unis et retirer son enfant de l'école a toujours été un moyen de l'exprimer», ajoute-t-il.

Depuis, «il y a toujours des gens qui ne sont pas contents de l'enseignement public, pour des raisons religieuses ou culturelles», ajoute Christopher Lubienski, spécialiste des enseignements alternatifs à l'université d'Illinois.

Les «deux-tiers des enfants scolarisés à la maison le sont pour des raisons religieuses», en majorité issus de familles protestantes évangélistes, dit-il, certaines familles le voient «comme un ordre de Dieu».

Selon une étude du ministère, d'autres facteurs expliquent ce type de scolarisation: peur de l'environnement scolaire (violence ou drogue), perception d'un niveau de l'enseignement jugé insuffisant, voyages, éloignement, coût.

La majorité des élèves font partie d'une fratrie de trois enfants et plus, sont blancs, vivent avec leurs deux parents et appartiennent à la classe moyenne diplômée.

Des «enfants autonomes»

Sarah Tiller s'est lancée il y a quatre ans avec les plus âgés de ses huit enfants.

«À l'école, ça n'allait pas assez vite en maths, je n'aimais pas leur façon d'enseigner l'histoire, sans continuité, et je voulais qu'ils pensent de manière indépendante», dit cette scientifique épouse de chirurgien.

Chez elle à Washington, c'est école le matin: «Maths tous les jours» puis latin, histoire ou italien. Les plus âgés consacrent leur après-midi à des «projets» ou des exercices.

Sa fille Katherine, 14 ans, aime bien «le tête-à-tête» des leçons et Helena, 13 ans, «le temps disponible pour la lecture».

Pour Sarah, le sport et la famille permettent la «socialisation», un sujet qui constitue une pomme de discorde quant à la pertinence du système. D'autres intègrent un réseau qui organise rencontres, cours communs, blogs sur Internet.

Les «nouvelles technologies, et particulièrement l'Internet, ont facilité le partage d'information et fourni toute une série de programmes scolaires pas chers et même gratuits», dit M. Gaither.

Les partisans du «homeschooling» affirment que ces élèves ont un meilleur niveau scolaire. «On n'en sait rien», dit M. Lubienski.

Cristina, qui vit près de Washington, préfère «l'unschooling» (Pas d'école) pour ses sept enfants.

«Je veux des enfants autonomes, avec leurs propres idées, leurs propres centres d'intérêt», dit-elle. Pas d'horaires ou de classes mais des visites au musée, des lectures, des projets personnels.

«Les enfants apprennent 24 heures sur 24», dit cette Américaine élevée en France, qui soupire sur le «Peut mieux faire» des bulletins scolaires français.

«On ne vous dit jamais que c'est bien. Aux États-Unis, votre enfant est toujours merveilleux. Il faudrait un juste milieu», dit-elle.