En décochant un tweet en forme de coup de poignard à Ségolène Royal, ex-compagne de François Hollande, la Première dame Valérie Trierweiler a signé par la même occasion la première tempête politique jamais déclenchée par Twitter en France.

«@valtrier: courage à Olivier Falorni qui n'a pas démérité, qui se bat aux côtés des Rochelais depuis tant d'années dans un engagement désintéressé»: ces 137 caractères de soutien au dissident opposé à Mme Royal, pied de nez à la consigne du Parti socialiste de M. Hollande, ont provoqué la stupéfaction.

Encore plus grande après sa confirmation à l'AFP.

»Il est incroyable, hallucinant ce tweet», s'exclame Arnaud Mercier, politologue et professeur à l'université de Lorraine. «Dans le monde politique, un tweet qui connaît un buzz de ce niveau et qui est repris par tous les médias ensuite, pour moi c'est inédit», souligne-t-il.

Un esclandre rapidement baptisé #Trierweilergate sur Twitter. Certains s'interrogent sur un dérapage de la journaliste de Paris Match emportée par l'émotion mais des experts contactés par l'AFP penchent plutôt pour un coup assumé avec l'hyperpublic réseau social comme nouvelle arme d'action.

«Preuve est maintenant faite que si vous voulez envoyer un obus, Twitter est efficace. Je ne crois pas que ses doigts aient fourché. On n'est pas dans un meeting où on peut se faire entraîner», avance M. Mercier.

Cinq tweets depuis l'élection de Hollande

D'autant que Mme Trierweiler n'a signé que cinq tweets depuis l'élection de François Hollande.

Paradoxe: c'est la compagne même d'un président qui avait demandé à ses ministres de mettre la pédale douce sur Twitter qui franchit la première ligne jaune du quinquennat.

«Quand François Hollande va dire aux ministres maîtrisez votre communication sur Twitter, le message va passer moins facilement», souligne David Abiker, éditorialiste à Europe 1 et bon connaisseur de la «twittosphère».

Un incident qui donne aussi tout son sel à la confidence faite entre les deux tours de la présidentielle à Femme actuelle par celle qui n'était pas encore Première dame: «François (Hollande) me fait totalement confiance. Sauf sur mes tweets!»

«Certains aimeraient que je réagisse moins sur ce réseau social, mais tout le monde respecte ma liberté. J'ai du caractère, on ne peut pas me brider», prévenait Mme Trierweiler.

Liberté de ton

Cette liberté de ton va-t-elle perdurer? «Si elle a fait ce tweet, je ne pense pas qu'elle ait l'intention d'arrêter de tweeter», pense M. Abiker.

Après l'avènement des «tweetclashs», sorte de duels par tweets interposés, les règlements de comptes politiques, souvent cantonnés aux coulisses du pouvoir et aux confidences «off» aux journalistes, vont-il s'imposer sur Twitter?

«Ca fait longtemps que je dis que Twitter a vocation à s'installer dans le monde politique, parce qu'il est en parfaite adéquation de la logique de la petite phrase», souligne Arnaud Mercier.

«La seule question c'est: si Valérie Trierweiler avait dû écrire un communiqué de presse ou qu'elle avait croisé une caméra de télévision, aurait-elle dit la même chose?», interroge David Abiker.

L'impact d'une déclaration si fracassante aurait été au final le même sur un autre média et le monde politique ne fait en cela qu'avancer sur des sentiers déjà bien battus par d'autres secteurs, nuance Philippe Couve, journaliste et consultant en stratégie éditoriale.

«Il y a déjà beaucoup de gens du showbiz et de sportifs qui sortent des infos par Twitter, l'intermédiation journalistique n'est plus indispensable», assure-t-il.

«Cette désintermédiation prête aussi parfois plus à des dérapages ou à des choses moins maîtrisées, en même temps ça signifie qu'il y a plus de choses qui peuvent se dire.»

Ce que résume dans un tweet la journaliste @annielemoine: «Belle solidarité de @valtrier avec sa profession. Elle donne du boulot aux journalistes pour la soirée...»