Aux prises avec une hausse de leurs frais de scolarité, les universitaires québécois pourraient trouver un peu de répit du côté des tablettes numériques, cet automne. Otheka, une petite société de Québec, mettra à leur disposition un service de location de manuels scolaires numériques, à une fraction du prix des imprimés.

Les étudiants pourront ainsi louer, pour un semestre ou une année, une version numérique des livres nécessaires pour certains de leurs cours, après quoi cette copie s'effacera, une technique appelée «chronodégradabilité» par les experts. Au Canada anglais, où cette pratique est déjà courante, le prix d'une location est 50 à 60% moins élevé que le traditionnel achat du livre imprimé.

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Chez nos voisins du Sud, c'est plus qu'un phénomène émergent. Plusieurs petites entreprises ont obtenu des millions de dollars en financement privé pour offrir un service de location de manuels de référence ou de guides scolaires numériques. Amazon, de loin le plus important détaillant de livres sur l'internet, a annoncé il y a un mois qu'il se lançait également dans la location, à travers sa liseuse numérique Kindle. Les livres ainsi loués seront jusqu'à 80% moins coûteux qu'en version imprimée.

Longue transition au Québec

Au Québec, où le secteur de l'édition et de la vente de livres est rigoureusement régi par la loi, un éditeur ne peut briser la chaîne de distribution actuelle et passer strictement au numérique. Le libraire et l'imprimé génèrent des ventes encore trop importantes pour être laissés de côté. Ça protège du même coup les libraires québécois du sort funeste que connaissent depuis quelques mois d'importantes chaînes de librairies américaines, Borders étant la plus récente en lice.

Par ailleurs, la location de livres numériques permet de s'attaquer directement à un phénomène qui gruge les revenus des éditeurs spécialisés dans le secteur éducatif: la revente de manuels usagés.

C'est pourquoi une longue transition s'amorce malgré tout vers la numérisation à plus grande échelle des livres dédiés dans ce secteur, estime Céline Fournier, directrice générale des Presses de l'Université du Québec. «La prochaine année s'annonce comme une importante année de transition vers le numérique», dit-elle. «Certains éditeurs, comme nous, sommes prêts, mais c'est toute la machine de distribution qui doit suivre, de la direction des universités jusqu'aux libraires.»

Ainsi, les Presses des Universités du Québec et de Montréal s'y tremperont un orteil, cet automne. Si tout se passe bien, l'offre de livres numériques en location s'élargira plus substantiellement dès janvier prochain, date où la société Otheka prévoit lancer plus officiellement son service de location sur la tablette iPad, d'Apple.

L'application offrira aussi une formule de recommandation entre utilisateurs, à la manière d'un réseau social spécialisé. Seule inconnue au tableau: le prix de la location, que les éditeurs concernés sont présentement en train de calculer.

Les autres éditeurs, eux, suivent la situation de près, la location de livres numériques pouvant, à terme, être offerte dans tous les secteurs du livre. Clément Laberge, responsable des services d'édition numérique chez De Marque, à Québec, voit le livre suivre la même voie que la musique et la vidéo, devenant, à terme, un service web offert à volonté, en échange d'une mensualité.

«On s'en va probablement très lentement vers cette formule. Le modèle économique derrière reste entièrement à être inventé, mais je ne vois pas pourquoi le livre ne pourrait pas être offert en diffusion sur l'internet, de la même manière que le sont présentement la musique et la vidéo.»