L'homme derrière Facebook, Mark Zuckerberg, fascine. Le réseau social, lui, suscite son lot d'admiration et d'inquiétudes. Dans The Facebook Effect, David Kirkpatrick tente de cerner l'un et l'autre. Pour y parvenir, le journaliste de Fortune a eu un accès privilégié à ceux qui ont donné son élan au réseau social, dont son PDG énigmatique, qu'il dit aujourd'hui bien connaître. Voici le fruit de son travail.

Retour en 2004. Le site Thefacebook était en ligne depuis moins de quatre mois que, déjà, un investisseur a offert de l'acheter pour 10 millions de dollars. Mark Zuckerberg, fondateur du site, venait d'avoir 20 ans. Il a poliment décliné l'offre.

S'il vendait son entreprise aujourd'hui, celui qui est à la tête de l'une des plus importantes sociétés internet serait plusieurs fois milliardaire.

Mark Zuckerberg a été courtisé par tous les bonzes des médias et de l'internet, de Yahoo! à Microsoft, en passant par Rupert Murdoch. La plus importante mise faite à ce jour s'élevait à 15 milliards de dollars. Elle a été faite par le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, qui s'est heurté à une fin de non-recevoir.

Si l'on en croit David Kirkpatrick, ex-journaliste spécialisé en technologies au magazine Fortune qui vient de publier le livre The Facebook Effect, le dessein que poursuit le PDG n'est pas celui de s'enrichir.

«C'est un visionnaire extraordinaire», dit David Kirkpatrick, qui a obtenu pour la rédaction de son livre un accès privilégié à ceux qui ont contribué à l'essor du site. Y compris à Mark Zuckerberg, qu'il «connaît bien» et qu'il compare à Bill Gates.

On découvre dans le livre le portrait d'un entrepreneur qui ferait tout pour défendre sa vision, celle d'un «internet ouvert».

«Mark croit que si davantage de données circulent, cela va permettre aux personnes de mieux comprendre leur monde et les conséquences de leurs décisions. Il croit que lorsque les gens partagent plus, c'est bénéfique pour tout le monde», dit David Kirkpatrick.

Voilà donc l'esprit qui habite Facebook depuis six ans. Contre vents et marées, le PDG de l'entreprise, qui dirige trois des cinq sièges du conseil d'administration, prend des décisions pour mener à bien cette mission.

En lisant le récit d'une histoire qui commence dans un dortoir de l'Université Harvard et qui se solde par une pluie de milliards, on peut croire que l'ascension de Facebook s'est faite facilement.

Il n'en est rien, dit David Kirkpatrick. Le succès que connaît aujourd'hui Facebook, qui comptera bientôt 500 millions de membres, est le résultat d'un travail acharné.

«Il n'y a pas de doute, ils ont eu beaucoup de chance. Mais je pense que le succès de Facebook est davantage dû à la ténacité et à la vision de Mark Zuckerberg», dit l'auteur.

Au fil des ans, le jeune homme a refusé de se laisser impressionner par les modèles établis. En 2006, par exemple, il a refusé une offre de Sprite qui voulait payer 1 million de dollars pour que la page d'accueil de Facebook devienne verte le temps d'une journée. Mark Zuckerberg a en horreur «la publicité qui vient déranger l'expérience Facebook et distrait l'attention de l'utilisateur, aussi lucrative soit-elle», lit-on dans The Facebook Effect.

Pourvu que ça dure...

Loin d'être le premier site de réseautage social à voir le jour, Facebook a pourtant réussi là où d'autres ont échoué. MySpace est rapidement devenu un fouillis graphique, tandis que Friendster, à qui l'on promettait un bel avenir, a été victime de ses problèmes techniques, parvenant mal à gérer sa croissance rapide.

Facebook a réussi à gérer sa croissance, d'abord en étant offert seulement dans certaines universités et collèges, puis en s'ouvrant au monde entier. Le fondateur de l'entreprise a longtemps été obsédé par la performance technique de son site, qui encore aujourd'hui connaît rarement des ratés sur ce plan.

Mais les récentes controverses quant à ses politiques relatives à la vie privée pourraient lui nuire. David Kirkpatrick croit que c'est la principale menace qui plane au-dessus de Facebook.

«Ils doivent apprendre à mieux communiquer ce que les changements veulent dire pour leurs utilisateurs, du moins beaucoup mieux qu'ils l'ont fait jusqu'à maintenant. Il y a des risques que les gouvernements s'en mêlent» dit le journaliste, rappelant qu'il n'y a pas si longtemps, c'est la commissaire à la vie privée du Canada qui a forcé Facebook à resserrer ses contrôles de vie privée.

Le succès du site de réseautage social ne se dément pas. En mars, l'institut Hitwise a rapporté que l'audience de Facebook était passée, le temps d'une semaine, devant celle de Google aux États-Unis. Chaque mois, plus de 25 millions de personnes s'inscrivent.

Google n'entend pas rester les bras croisés, et les plus récentes rumeurs laissent entendre qu'à défaut d'avoir réussi à mettre la main sur Facebook, le géant de la recherche s'apprête à lancer un concurrent, Google Me. La bataille du web social est loin d'être terminée. Elle ne fait que commencer.

The Facebook Effect est publié aux éditions Simon & Schuster