Il y a d'abord eu Avatar, qui a éveillé le goût des cinéphiles pour la nouvelle vague du cinéma 3D. Puis il y a eu l'arrivée de Samsung c7000, la toute première télé stéréoscopique à envahir le marché. Les astres sont maintenant alignés : le monde du divertissement n'en a que pour le 3D. Et les artisans montréalais sont dans le coup. Portrait d'ensemble.

Sensio : ouvrir les canaux

4000$ pour une télé 3D de 55 pouces, c'est un peu cher payé si on considère qu'aucune émission 3D n'est diffusée pour le moment. C'est là que Sensio entre en scène. L'entreprise montréalaise a créé une norme de compression qui permet de distribuer des contenus 3D sur n'importe quel canal de câble ou de satellite traditionnel. Son décodeur, nécessaire pour visionner ces émissions, est maintenant installé sur toutes les télés de marque Vizio. Techniquement, la technologie de Sensio permet déjà la mise sur pied d'une chaîne de télé 3D en continue. « La difficulté pour l'instant, c'est d'arriver à rentabiliser une telle chaîne. D'abord, il y a peu de contenus 3D disponibles, mais aussi, les gens qui possèdent des télés 3D se comptent presque sur les doigts d'une main », explique Nicholas Routhier, PDG de Sensio. L'entreprise croit cependant que la diffusion d'événements en 3D sur des chaînes «à la carte» est envisageable à court terme. « Un combat de boxe, ou une course de Formule 1 diffusée à la carte en 3D, on y croit beaucoup », affirme dit-il. D'ici à ce qu'une masse critique de téléviseurs 3D dans les domiciles rende la chose possible, Sensio se sert de sa technologie pour diffuser des événements 3D dans les cinémas. La Coupe du monde de soccer sera notamment présentée grâce à Sensio dans des dizaines de cinéma. Et dans certains marchés, le même signal sera même retransmis dans les maisons, une première percée sur le marché.

Nümerix Stratégie - la 3D, sans les lunettes

Les technologies stéréoscopiques présentement disponibles nécessitent toutes le porte de lunettes spéciales. Enfin, presque. Nümerix Stratégie est le distributeur exclusif au Canada d'un téléviseur dont l'effet 3D est visible à l'oeil nu. La Presse a pu constater l'efficacité remarquable de ce dispositif, appelé Alioscopy. Le hic, c'est que pour créer l'effet 3D, le téléviseur nécessite en amont l'utilisation simultanée de huit caméras. Oubliez donc pour l'instant le cinéma ou les séries télé en Alioscopy; les artisans en ont déjà plein les mains à réaliser du 3D avec « seulement » deux caméras. Autre problème : le téléviseur «alioscopique» coûte autour de 15 000$. « Ce n'est pas un appareil qui est destiné au commun des mortels pour l'instant », reconnaît Jonathan Desjardins, de Nümerix Stratégie. D'ici à ce que les prix baissent, le seul véritable marché ouvert à cette technologie est celui du marketing et de la publicité. Grâce à des logiciels d'imagerie numérique, les techniciens de Nümerix peuvent créer des surimpressions 3D de produits sur des publicités télés traditionnelles en 2D. Le résultat est présenté dans des bars, dans des couloirs d'aéroport, des stations de métro. Nümerix compte parmi ses clients la Société des casinos du Québec et Saputo.

Caramel films: l'horreur en 3D

Le producteur André Rouleau et ses comparses voulaient absolument « vivre l'expérience de tourner un film 3D ». Ils l'ont fait. Caramel Films vient de terminer le tournage de Hidden, un film d'horreur qui deviendra le premier véritable long métrage en 3D entièrement fait au Québec. Les scènes - fort réussies d'un point de vue technique, selon le court extrait visionné par La Presse - ont été tournées dans l'ancienne abbaye d'Oka. «Tourner en 3D demande au moins 15% de plus de temps de tournage : l'installation de la caméra et, surtout, des éclairages, sont plus fastidieux », constate le producteur, dont l'équipe amorce le montage du film. La complexité du système de caméras (il en faut deux pour recréer l'effet 3D, et la mise au point nécessite des calculs pour chaque plan) rend difficile certains mouvements de caméra rapides. Nous avons aussi dû prévoir un montage plus lent que pour un film ordinaire, parce qu'avec la 3D, s'il y a trop de changement rapides de plans, les auditeurs font finir par être malades.» Hidden avait un budget total de 7 millions. André Rouleau estime que le volet 3D aura coûté à lui seul 1 à 2 millions.

L'ONF - 60 ans d'expérience

L'ONF a commencé à expérimenter avec le 3D dans les années 50. Soixante ans plus tard, « nous n'en sommes plus à la simple exploration technique de la stéréoscopie; nous créons des contenus. Nous sommes en train de développer en quelque sorte une nouvelle grammaire du cinéma d'animation 3D », affirme David Verral, producteur au Centre de l'animation de l'ONF. L'organisme planche actuellement sur plus de 20 projets de films d'animation 3D. Les animateurs se servent de différents outils, dont un qui a été développé avec IMAX, pour réaliser leurs films. « On travaille aussi sur un court métrage de 15 minutes sur la danse qui sera filmé simultanément par des caméras infrarouges, des caméras numériques et des systèmes de capture de mouvement », indique René Chénier, producteur du programme francophone d'animation de l'ONF.

Le Cirque du Soleil - fournisseur de contenu 3D ?

La troupe de Guy Laliberté entend filmer en 3D un de ses spectacles au cours de l'été. Habitué de faire descaptations à 12 ou 16 caméras, le cirque devra cependant revoir ses façons de faire. Il y aura inévitablement moins de caméras et moins changements de plans qu'à l'habitude. Le résultat final sera présenté sur grand écran, mais le Cirque, avec sa quinzaine de spectacles partout dans le monde, pourrait facilement devenir un fournisseur important d'une future chaîne de télé 3D en continu.