Kevin Owens peut avoir l’air bien sympathique dans la vie, quand il fait ses habituelles tournées médiatiques au Québec, par exemple. Mais il demeure un lutteur professionnel, donc également capable de se faire très convaincant dans le rôle du méchant.

Ce qu’il avait fait plutôt bien par un soir de 2011 à Québec. À un spectacle de la NSPW, le catcheur de Marieville avait trahi Pee Wee, alias Yannick Tremblay, un populaire lutteur local. Comme dans toute bonne trahison à la lutte, Owens lui avait servi six marteaux-pilons de suite, en plus de l’attaquer avec un marteau – l’outil, pas la prise. C’était thématique, au fond.

Voyez la « trahison » de Pee Wee par Kevin Steen

« Je l’ai attaqué, attaqué, et la foule était vraiment enragée, au point que je me suis fait lancer une chaise, se souvient Owens, pas peu fier. Quand je suis retourné en coulisse, sa mère est venue me sacrer une claque en pleine face tellement elle était fâchée ! »

Version corroborée par Yannick Tremblay. « On avait gagné le prix de la rivalité de l’année en 2011 », se souvient celui qui est aujourd’hui animateur à CHOI FM, entre autres. « Kevin était venu danser autour de ma carcasse dans le ring. Il m’avait sorti en civière. »

« Mes parents n’ont jamais aimé la lutte. Quand je les ai vus dans la foule, je me suis dit : ils n’aimeront pas la fin ! On est revenus en coulisse, je me suis levé de la civière, mais ma mère ne m’a pas vu. Elle a juste giflé Kevin ! »

PHOTO FOURNIE PAR YANNICK TREMBLAY

Yannick Tremblay et Kevin Owens, alors Kevin Steen, en 2007

Tremblay et Owens seront de retour sous un même toit lundi, au Centre Vidéotron, quand la WWE présentera un évènement télévisé – WWE Raw – à Québec pour la toute première fois de son histoire. Tremblay, également lutteur et animateur de foule aux matchs des Remparts et des Capitales, y assistera à titre d’ambassadeur de l’évènement. Et Owens, bien sûr, en tant que lutteur.

Longue histoire

Bien avant Mac Templeton, de nombreux athlètes ont gagné leur vie avec leurs poings à Québec.

« Les gens me parlent toujours d’un endroit en particulier, et c’est la Tour. Dans les années 1940-1950, c’était l’endroit de prédilection de la lutte », explique Pat Laprade, historien de la lutte et descripteur de La lutte WWE Raw à TVA Sports.

La Vieille Capitale sera ensuite le théâtre de la grande rivalité entre les As de la lutte, qui utilisent surtout le Pavillon de la jeunesse, et Lutte Grand Prix, qui s’installe au Colisée. « Québec a été très importante dans la croissance de Lutte Grand Prix », souligne Laprade.

Les Vachon contre les Leduc, ça avait attiré 17 000 spectateurs, mais ils avaient annoncé le vrai chiffre plus tard pour ne pas alerter le service des incendies !

Pat Laprade, historien de la lutte

Au milieu des années 1980, Lutte Internationale y présente un dernier grand spectacle, avec une finale mettant en vedette le légendaire Ric Flair et le non moins légendaire Rick Martel. Mais ce qu’on appelait alors la WWF était en train d’accaparer les marchés nord-américains.

« Dans les 25 dernières années, c’est du local, poursuit Laprade. Jacques Rougeau a fait des shows, plusieurs promotions locales aussi. Depuis une quinzaine d’années, c’est la NSPW, qui est votée meilleure promotion au Québec presque chaque année et qui présente des spectacles au stade Canac et au Diamant. »

La lutte locale d’abord

Même s’il est à la WWE depuis neuf ans, Kevin Owens a connu la présente effervescence de la lutte locale à Québec.

« Dans le temps, quand je luttais là souvent, c’était une ville de lutte, dit le Québécois. L’EWR était la seule fédération du Québec qui organisait des shows chaque semaine. Oui, des fois, il y avait 80, 150 personnes. D’autres fois, il y en avait 500. Mais il y avait assez de monde qui se pointait chaque semaine. C’est une ville de lutte. »

« Le spectacle est juste bon, ajoute Yannick Tremblay. Les lutteurs sont bons. Marko Estrada est de plus en plus connu, Zak Patterson commence à lutter dans les circuits professionnels. Avant, les gens venaient à un gala et s’imaginaient monter sur le ring en running shoes et en short. Maintenant, les gars investissent sur leur apparence, sur leurs capacités athlétiques. »

À une autre époque, on riait de moi. “Tu fais de la lutte en bobettes, tu es huilé.” Les gens respectent beaucoup plus la profession de lutteur qu’il y a 15, 20 ans. Pour un p’tit 20 $, tu as des galas qui rivalisent avec les pros.

Yannick Tremblay, à propos de la lutte à Québec

La WWE avait remis les pieds à Québec en 2014, au Colisée, mais le spectacle avait fait chou blanc. « À peine quelques milliers de personnes, se souvient Laprade. Déjà, c’est au Canada, donc c’est plus compliqué pour eux, et les revenus sont en dollars canadiens en plus. Ils sont plus prudents avant de revenir dans une ville qui attire moyen. Donc pendant quelques années, Québec n’était pas choisie et Ottawa avait priorité. »

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Sami Zayn sur le ring et sur écran géant lors d’un évènement WWE au Centre Vidéotron à Québec, en août 2022

L’an dernier, la puissante organisation était venue tester les eaux avec un spectacle non télévisé au Centre Vidéotron, et cette fois, les amateurs étaient au rendez-vous.

Et ils le sont de nouveau cette fois-ci. Deux semaines avant l’évènement, quelque 10 000 billets avaient déjà trouvé preneur dans un Centre Vidéotron qui sera configuré pour accueillir près de 11 000 spectateurs.

« Quelque chose s’est passé, je ne sais pas quoi, mais on avait besoin du retour de la WWE à Québec, s’enthousiasme Yannick Tremblay. On sera vus à travers le monde. C’est une belle carte postale pour la ville, en plus. Je compte les dodos ! »