Ma conjointe Pascale et moi étions assis sur la terrasse de notre rustique hébergement à Labuan Bajo, dans l’île de Flores, en Indonésie, au sixième mois de notre tour du monde. Devant nous, un soleil brûlant qui disparaît derrière l’océan, et des enfants qui jouent au foot sur le trottoir.

Pas besoin de parler l’indonésien pour comprendre qui se prend pour qui. L’un imite la célébration de Cristiano Ronaldo, ce fameux « Siuuu » lancé après un saut et le déploiement des bras du Portugais. Un autre incarne Kylian Mbappé, les bras croisés. La plupart tentent d’imiter Lionel Messi, balle au pied. Certains réussissent mieux que d’autres.

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Lionel Messi à l’échauffement

Essoufflés, mais intrigués, ils viennent nous voir. Le fan de soccer que je suis sait comment les intéresser : je sors mon téléphone et je leur montre les faits saillants de la dernière Coupe du monde, remportée par l’Argentine. Ce qui se passe ensuite me prend de court.

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« Messi le meilleur de tous les temps (greatest of all time) », peut-on lire sur la pancarte de ce partisan.

Les enfants connaissent la séquence d’évènements de la finale par cœur. Et Dieu sait qu’il y en a eu, des péripéties, au cours de cette victoire en tirs de barrage de l’Albiceleste contre la France. Ils prennent le contrôle de mon mobile et sélectionnent les moments qu’ils veulent voir, sans hésitation. Ils se promèneront de fait saillant en fait saillant pendant une quinzaine de minutes, comme un gamin qui revisionne sans arrêt le même film sans se tanner. Il fait noir lorsqu’ils me remettent mon téléphone.

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De la plus grande mégalopole au monde au village le plus reculé, tous connaissent Lionel Messi.

Cette anecdote, démontrant l’étendue de l’adulation planétaire de ces joueurs de soccer, on l’a vécue de différentes façons au cours de ce périple d’un peu plus de huit mois. On le savait déjà, mais on l’a compris encore mieux : de la plus grande mégalopole au monde au village le plus reculé, tous connaissent Messi, Mbappé, Ronaldo, Neymar. Je peux vous dire que j’aurais entendu des criquets si j’avais nommé Sidney Crosby ou Tom Brady à ce moment.

« La chance d’une vie »

C’est pourquoi cette venue du fameux numéro 10 à Montréal, ce week-end, était un moment si attendu. La chance de voir la plus grande vedette du foot de l’histoire, dans un match compétitif, et encore au sommet de sa forme malgré ses 36 ans, n’est pas donnée à tout le monde. Même pour les journalistes qui font du soccer leur carrière.

Voilà l’état d’esprit dans lequel je me trouvais pour ce 11 mai. Alors, c’était comment de respirer le même air que Lionel Messi ?

Oui, il y a une aura autour du personnage. Lorsqu’il passe en coup de vent devant vous, maté en main avant de s’engouffrer dans les coulisses du stade, les secondes semblent s’éterniser. Les gens autour de vous ont tous le même regard : celui de l’appréciation d’un moment que nous ne revivrons probablement jamais.

Puis il saute sur le terrain et devient l’un parmi les autres. Dans ce match contre Montréal, on l’a souvent vu loin, très loin devant le reste de ses coéquipiers, en pointe, complètement à l’écart du jeu. Il a marché presque tout le match, hormis lorsqu’il apercevait la brèche, le jeu à faire, ses yeux ayant déjà analysé et compris où et comment l’action va se déployer.

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Le chemin emprunté par le convoi de l’Inter Miami était bordé de supporteurs.

On dit qu’il marche, mais ce n’est pas pour le critiquer : Messi n’a besoin que d’une occasion pour changer le cours du match, pour sortir un lapin de son chapeau, pour faire du génie sa routine. Il n’y est pas parvenu au stade Saputo, mais on est passé bien près à quelques reprises.

Ça, c’était de notre vue sur la galerie de presse. Comment les joueurs, sur le terrain, ont-ils vécu ce moment ?

« C’était la chance d’une vie », a lancé Bryce Duke.

C’est dur de le mettre en mots. Quand tu es jeune, et que tu le regardes à la télé, c’est l’un de ces gars qui te met en pâmoison. Alors partager le terrain avec lui, c’est cool. Je vais clairement garder cela dans mes souvenirs.

Bryce Duke, milieu de terrain du CF Montréal

Duke prononce ces mots dans la zone mixte intérieure du stade Saputo pendant que les fans de Messi crient à l’extérieur.

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Lionel Messi et l’Inter Miami ont eu droit à une escorte policière.

« J’étais nerveux à la maison avant la rencontre, a indiqué Jules-Anthony Vilsaint. Mais après, j’étais correct. »

Comme tous les gens présents dans le stade, le recul permettra aux joueurs de mieux prendre la mesure de la soirée qu’ils ont vécue au côté du plus grand joueur de l’histoire.

« Je suis encore dans le moment, a admis le joueur québécois. On dirait que ce n’est pas encore réel. On dirait que ça s’est passé trop vite. »