(Fort Lauderdale) « Ici, c’est comme être à Disney. » Matías Cóccaro prononce ces mots avec les yeux brillants et le sourire franc d’un enfant : on ne peut que le croire.

L’attaquant uruguayen du CF Montréal est assis dans un fauteuil du hall d’un élégant hôtel de Fort Lauderdale, en Floride. À un jet de pierre du camp de base du club se trouvent la plage, le sable blanc, l’océan.

Mais ce n’est pas de ça qu’il parle lorsqu’il compare sa situation à un conte de fées. Non, pour Cóccaro, sa simple présence avec le CF Montréal tient d’un rêve inespéré.

Il faut profiter de ce qu’on a. Montréal, c’est un club où on a tout. On a les bonnes conditions pour être professionnels. Quand on vient d’Amérique du Sud, c’est différent.

Matías Cóccaro

« J’ai déjà été dans des clubs où on s’entraînait dans des parcs avec nos propres vêtements, explique-t-il à La Presse. L’argent qu’on gagnait ne suffisait pas à acheter des chaussures. Il fallait travailler [ailleurs]. Quand on a tout, on doit être reconnaissant. »

Matías Cóccaro ne parle que l’espagnol. Malgré nos aspirations à un jour devenir trilingue, nous n’y sommes pas encore. Pour mener cette entrevue en l’absence de l’interprète habituel du CFM, occupé ailleurs, nous avons donc écrit au préalable, puis énoncé tant bien que mal nos questions dans sa langue au nouvel attaquant de l’Impact.

L’Uruguayen de 26 ans s’est prêté au jeu avec gentillesse et patience. Nous avons ensuite requis l’aide de notre collègue aux Affaires, Nathaëlle Morissette, pour une traduction que nous estimons fidèle aux propos du joueur. Nous tenons d’ailleurs à la remercier publiquement d’avoir passé une partie de son samedi à nous venir en aide.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DU CF MONTRÉAL

Matías Cóccaro

« J’ai commencé à apprendre le français, révèle Cóccaro. Nous, les Sud-Américains, nous préférons apprendre le français, puisque le français et l’espagnol sont des langues qui se ressemblent. Nous avons des cultures qui se ressemblent. »

Le souriant moustachu se dit « content de découvrir la ville » et ses « coutumes ». Samuel Piette, « un grand capitaine », selon lui, l’aide avec son apprentissage de la langue de Gilles Vigneault, et vice versa.

« J’ai goûté à la poutine, lance-t-il. J’ai adoré ! Mais comme athlète professionnel, je dois faire attention, je ne peux pas en manger tous les jours. Mais si on veut fêter après un match, c’est sûr qu’il y a de la poutine ! »

« Je ne suis pas en vacances »

Lorsque les rumeurs de l’acquisition de Matías Cóccaro par Montréal ont commencé à faire surface en décembre, les vidéos de ses faits saillants avec le club argentin de Huracán ont été l’une des seules sources d’information disponibles pour en connaître un peu plus sur le joueur. Sur YouTube, la séquence où il marque, puis monte sur le grillage surplombé de barbelés pour célébrer le plus près possible des partisans a frappé l’imaginaire.

Regardez l’extrait vidéo

Tu donnes toujours ton 100 % de la sorte, Matías ?

« Oui, répond-il sans hésiter. Je m’entraîne comme je joue. J’ai parcouru un long chemin pour arriver ici. J’ai dû travailler pour faire des sous et jouer. J’ai fait beaucoup de sacrifices. Je suis parti jeune de la maison. Je viens ici pour travailler. Je veux que les gens s’identifient à moi. Si je ne me prépare pas, je ne réussirai pas. »

Il pèse ses mots, parce qu’à l’évidence, il y croit dur comme fer.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Matías Cóccaro à l’entraînement à Montréal, le 28 février dernier

« À Montréal, j’essaie d’être le meilleur possible. Je ne viens pas ici pour me traîner les pieds. Je ne suis pas en vacances. Je viens travailler. C’est ma façon de vivre. J’ai laissé ma famille. Je viens ici pour tout donner. »

Nous avons senti qu’il avait tissé un lien spécial avec Huracán, justement. Lorsque son départ a été officialisé, la vidéo montrant une petite partisane en larmes en lui disant au revoir avait ému jusqu’à Montréal.

« Quand j’étais à Huracán, c’était différent, raconte-t-il lorsqu’on en fait mention. C’était quelque chose qu’il n’y a pas ailleurs. Ils m’ont bien reçu, je me sentais bien. Je me suis adapté rapidement. C’est un club qui a conquis mon cœur. Les gens de Huracán s’identifiaient à moi parce que j’ai fait preuve d’humilité. »

Devant ses « idoles »

Alors, si Cóccaro foule la pelouse en même temps que son légendaire compatriote Luis Suárez et le mythique Lionel Messi, dimanche, comment se sentira-t-il ?

« Messi, quand on l’affronte, on veut le battre, dit-il du tac au tac. Une façon de le respecter sur le terrain, c’est de tenter d’être à sa hauteur. »

PHOTO CHRIS ARJOON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Lionel Messi et Luis Suárez, à l’échauffement la semaine dernière

S’il estime que la Pulga et Diego Maradona sont, selon lui, « les deux meilleurs joueurs de l’histoire », Suárez a été le meilleur « pour les Uruguayens ».

« C’est mon idole. Me retrouver avec les deux, sur le même terrain, c’est une sensation unique. […] Une fierté. Je me rappelle quand j’étais petit, j’allais voir Luis Suárez, quand moi je commençais à jouer. »

On connaît la rivalité géographique et sportive entre l’Uruguay et l’Argentine. Cóccaro ne l’oublie quand même pas.

« On partage le Río de la Plata, rappelle-t-il. Quand [l’Uruguay] joue contre l’Argentine, on veut gagner, et eux aussi veulent nous battre. Mais quand on se retrouve à l’extérieur de notre région, c’est différent. On est tous des frères. »

Celui que l’on surnomme le renard, ou El Zorro, n’a pas encore trouvé le fond du filet après un match et demi en MLS. Malgré les « sensations inexplicables » qu’il ressentira s’il affronte les deux anciens Barcelonais — ce qui n’est pas gagné d’avance, comme on l’explique dans un second texte —, il voudra « se dépasser » pour bien « représenter » Montréal et le Canada, dimanche.

Et il trépigne d’impatience de dépenser toute son énergie devant les partisans du stade Saputo, le mois prochain.

« On veut que les gens de Montréal s’identifient à l’équipe. On veut que les gens se disent : “ Ces gars-là donnent tout, ces gars-là nous représentent. ” C’est un grand engagement. »

Avec la collaboration de Nathaëlle Morisette, La Presse