Les têtes dirigeantes du CF Montréal disent être en réflexion à propos de l’avenir de l’entraîneur-chef Hernán Losada à la barre de l’équipe. Le contrat de l’Argentin est valide pour encore une saison. Mais après une année 2023 parsemée de hauts et de bas, La Presse jette un œil sur les raisons qui pourraient pousser le club à garder, ou pas, Losada en poste.

Le succès des joueurs locaux

Offrons une fleur à Hernán Losada, et commençons par parler de l’un de ses bons coups. Il est indéniable que le technicien argentin a compris que de faire jouer les joueurs locaux pouvait lui servir à plus d’un chapitre.

Mathieu Choinière en est l’exemple le plus probant. Sous Losada, le Québécois a connu la meilleure saison de sa carrière, et il a été récompensé avec le titre de joueur le plus utile du club.

« Dès la présaison, j’ai senti une connexion au niveau football et émotionnelle » avec Losada, a dit Choinière lors du bilan. « Ça m’a permis de m’exprimer, puisque j’avais la pleine confiance du staff. »

L’ascension de Jonathan Sirois devant les buts, jumelée à celle de Nathan Saliba au milieu de terrain, est aussi attribuable à l’influence et à la formation offertes par Losada et son personnel.

Le 16 septembre contre Chicago, Losada avait sélectionné sept Canadiens, dont six Québécois, dans son alignement de départ.

« Si ce n’était que de moi, je jouerais avec un onze québécois, avait lancé l’Argentin après la victoire contre les Timbers de Portland le 7 octobre dernier. Parce qu’ils ont la bonne mentalité. »

Ça tombe bien, parce que la formation des jeunes joueurs, locaux en l’occurrence, est au centre du mandat imposé par la direction sportive du CF Montréal.

Mais il n’a pas connu que de la réussite dans ce mandat. La disparition de Sean Rea de l’alignement, après avoir disputé près de 1000 minutes en début de saison, témoigne des difficultés qu’a aussi eues Losada à ce chapitre.

Un jeune joueur qui ne joue tout simplement pas, « ça ne […] fait pas forcément plaisir », a dit Olivier Renard au bilan.

« Contexte orageux »

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Le vice-président et chef de la direction sportive Olivier Renard

Le début de saison a été catastrophique : six défaites en sept matchs. Olivier Renard a convenu que le style de football joué en entame de calendrier n’était « absolument pas ce qu’il était prévu de faire ». Mais il a aussi nuancé son propos, en soulignant que le « contexte orageux de l’entre-saison » n’a pas aidé Losada.

C’est que le nouvel entraîneur-chef du CF Montréal avait de grands souliers à chausser à son arrivée dans la métropole québécoise. Non seulement parce que le Bleu-blanc-noir sortait d’une saison record avec Wilfried Nancy, mais aussi parce que les joueurs appréciaient particulièrement la philosophie de jeu déployée par le Français.

Ajoutez à cela les transferts de leaders, l’absence de Samuel Piette pendant les deux premiers mois de la saison, en plus d’un Kamal Miller revenu de la Coupe du monde avec « d’autres ambitions », et vous avez là la recette d’une transition tout sauf en douceur pour un nouvel entraîneur.

Losada a été embauché pour « rentrer dans la continuité » de la philosophie de jeu instaurée par Thierry Henry et Nancy. « On a tout fait sauf ça » en début de saison, a dit Renard.

« Ce n’est pas normal »

Cela dit, après une trentaine de matchs, on s’attendrait à ce que la sauce commence à prendre.

« Nous avons été complètement détruits, tactiquement. » On se rappelle ces mots de Samuel Piette, après la dégelée subie à Atlanta le 23 septembre.

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Hernán Losada à Columbus, lors du dernier match de la saison

Le club a terminé la saison sur une séquence d’une seule victoire en neuf matchs.

L’équipe s’est cherché une identité jusqu’au dernier duel. Que l’on se pose autant de questions sur les tactiques en fin de saison, « c’est même inquiétant », a estimé Renard au bilan.

En entrevue avec La Presse, le président Gabriel Gervais dit aussi avoir « peiné à comprendre » pourquoi l’équipe a paru si « désorganisée » sur la route. « Le soccer qu’on jouait n’était pas celui qu’on veut voir. Même si on était entrés en séries par la porte de derrière, on n’aurait pas été satisfaits de la façon globale dont on a joué. »

Pas de solution en attaque

Le CF Montréal n’a inscrit que 36 buts en 34 matchs MLS. Il s’agit de la quatrième offensive parmi les pires du circuit. Avec l’as marqueur Romell Quioto blessé pendant quatre mois, Losada a cherché, cherché et encore cherché une solution devant. Mais mis à part le joli 4-1 face à Portland le mois dernier, il n’a jamais trouvé.

Il est vrai que ses options en attaque étaient pour la plupart jeunes et inexpérimentées. Aucun de Sunusi Ibrahim, Jules-Anthony Vilsaint, Chinonso Offor ou même Mason Toye ne s’est réellement démarqué.

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Kwadwo Opoku

Mais même quand Olivier Renard a voulu pallier les lacunes au haut du terrain, en allant chercher Kwadwo Opoku du LAFC, les choses ne se sont pas réglées à ce chapitre. Le retour de blessure de Quioto n’a rien changé non plus.

« Si nous regardons les années passées, la différence de style de jeu était marquante, a noté le Hondurien au bilan. […] Cette année, tout a changé, et ça a fait en sorte que c’était difficile de marquer des buts. »

Oups.

Notons quand même que la défense a été dominante, surtout à domicile. Et que le brio de Sirois – ainsi que ses 11 blanchissages, un record – a aidé le club à garder la tête hors de l’eau en milieu de saison. Joel Waterman a monté en grade après le transfert de Rudy Camacho. Gabriele Corbo a aussi su s’imposer. Losada doit être critiqué, mais on peut aussi le louanger pour ces réussites.

Le courroux de Wanyama

La montée en puissance de Saliba s’est faite au détriment du vétéran – et seul joueur désigné du club – Victor Wanyama, qui n’a pratiquement pas joué en deuxième moitié de saison.

« Je n’ai pas compris pourquoi », a dit le Kényan au bilan, qui a reproché à Losada de ne pas avoir su expliquer les raisons de sa mise au rancart. L’entraîneur s’en est ensuite défendu en soulignant qu’il avait eu des discussions avec Wanyama « devant des témoins ».

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Victor Wanyama

De leur côté, Piette, Waterman et Choinière ont jugé avoir une bonne relation interpersonnelle avec leur entraîneur, le capitaine ajoutant que les joueurs et le personnel, s’il reste en poste, doivent avoir des discussions sur le style de jeu pendant l’entre-saison.

Voilà donc le portrait, cher lecteur. Hernán Losada a été rencontré par la direction du CF Montréal depuis le bilan. Tous ces facteurs, parmi plusieurs autres probablement confidentiels, seront pris en compte afin que l’Impact prenne une décision.

Mais si on se fie aux propos des dernières semaines de la part du directeur sportif et du président du club, on ne parierait pas beaucoup d’argent sur un retour de l’Argentin sur les lignes de côté en 2024.