(Madrid) La crise au sein du soccer espagnol s’est envenimée vendredi, la quasi-totalité des championnes du monde exigeant que d’autres têtes tombent à la fédération, le jour où son ex-patron Luis Rubiales s’est vu interdire d’approcher Jenni Hermoso, la joueuse qu’il a embrassée de force au Mondial.

« Les changements qui ont eu lieu ne sont pas suffisants », ont écrit dans un communiqué 21 des 23 championnes du monde dans un texte diffusé notamment par la double Ballon d’Or, Alexia Putellas, sur les réseaux sociaux.

« Il faut des changements radicaux dans les postes de direction » de la fédération espagnole (RFEF), encore aux mains d’hommes nommés par Rubiales, martèlent-elles dans ce texte signé par 39 joueuses et publié au moment même où la nouvelle sélectionneuse Montse Tomé devait présenter sa liste de joueuses pour les matchs des 22 et 26 septembre contre la Suède et la Suisse en Ligue des nations.

Dans ce contexte, la fédération a annoncé repousser sine die l’annonce de cette liste.

Les joueuses espagnoles conditionnent donc leur retour en sélection à la « démission du président » intérimaire Pedro Rocha, à la « restructuration de l’organigramme du soccer féminin » ou encore à celle du « cabinet de la présidence et du secrétariat général » de l’instance.

Ces derniers jours, la fédération s’était pourtant montrée optimiste sur le retour des championnes du monde, mettant en avant le limogeage du sélectionneur de l’équipe féminine Jorge Vilda, dont les méthodes étaient contestées, et surtout la démission dimanche de Luis Rubiales de la présidence.

Dans la soirée, la RFEF a répété son « engagement » à apporter des changements au sein de l’institution, tout en précisant que ceux-ci « seront réalisés le plus rapidement possible, progressivement ».

Et elle a apporté son soutien à Pedro Rocha, qui « dirigera le processus de transition au sein de la RFEF jusqu’aux prochaines élections ». Ce scrutin qui pourrait intervenir au premier trimestre 2024, a indiqué une source au sein de la RFEF.  

Rubiales devant le juge

L’ancien patron du soccer espagnol a répondu vendredi pour la première fois devant un juge des accusations d’« agression sexuelle » portées à son encontre pour son baiser forcé à la N.10 Jennifer Hermoso après le sacre mondial de la « Roja » le 20 août à Sydney, qui a déclenché une vague d’indignation internationale.

A l’issue de l’audience à huis clos, le magistrat chargé de l’enquête, Francisco de Jorge, a interdit à Luis Rubiales de s’approcher à moins de 200 m de Jenni Hermoso et de rentrer en contact avec l’attaquante, qui évolue dans le championnat du Mexique.

PHOTO THOMAS COEX, AGENCE FRANCE-PRESSE

Luis Rubiales

Vêtu d’un costume bleu marine, l’ex-président de la fédération, 46 ans, s’était présenté en fin de matinée au tribunal madrilène de l’Audience nationale sans faire de déclarations aux dizaines de journalistes présents.

Selon une source proche du parquet, il a de nouveau nié les accusations devant le juge et réitéré que ce baiser était consenti. Dans un entretien accordé à un journaliste britannique et diffusé mardi, il avait déjà décrit « un acte réciproque ».

Ce n’était « rien d’autre qu’un moment de bonheur, une grande joie », avait-il poursuivi, en démentant tout acte à « connotation sexuelle » : « mes intentions étaient nobles, 100 % non sexuelles, 100 %, je répète 100 % ».

Une version contestée par Jenni Hermoso, 33 ans, qui a porté plainte.

Pas de décision dans l’immédiat

L’avocate de la joueuse Carla Vall a répété vendredi devant le tribunal que ce « baiser n’était pas consenti » et s’est félicitée que, « grâce à cette vidéo, tout le monde, tout le pays, a pu constater qu’il n’y avait eu consentement d’aucune manière ».

Le magistrat chargé de l’affaire devra décider à l’issue de son instruction de renvoyer ou non Rubiales devant la justice. Son enquête venant de commencer, aucune décision n’est attendue à court terme.

Depuis une récente réforme du Code pénal espagnol, un baiser non consenti peut être considéré comme une agression sexuelle, catégorie pénale regroupant tous les types de violence sexuelle. Selon une porte-parole du parquet, les peines encourues par Rubiales, 46 ans, vont d’une amende à quatre ans de prison.

La justice a aussi retenu un délit de coercition, également nié par Rubiales, car, selon le parquet, « Jenni Hermoso a expliqué avoir été, avec son entourage, victime d’une pression constante de la part de M. Rubiales et de son entourage professionnel afin qu’elle justifie et approuve les faits ».