(Doha) Les autorités du Qatar et la FIFA sont revenues sur leur décision de vendre de la bière aux partisans autour des stades du Mondial-2022, a annoncé l’instance dirigeante du football dans un communiqué vendredi, à deux jours du coup d’envoi.

Il a été décidé de « supprimer les points de vente de bière des périmètres des stades » et de « concentrer la vente de boissons alcoolisées » dans les fan zones et les établissements autorisés, précise ce communiqué, sans partager les raisons de cette décision. Sollicité par l’AFP, le gouvernement n’a pas souhaité la commenter.

Ce revirement jette une ombre sur les engagements de l’émirat musulman conservateur en vue d’accueillir ce Mondial.

L’association des partisans anglais, la FSA, dénonce « l’absence totale de communication et de transparence du comité d’organisation ».

« Si ça veut dire que tout est rediscutable, quid de la sécurité des partisans LGBT, de la possibilité de soutenir son équipe en étant debout au stade, de la possibilité de s’embrasser dans la rue ? », interroge Ronan Evain, directeur général de l’association Football Supporters Europe.

Régulièrement questionnées sur l’accueil des spectateurs dans un pays où l’homosexualité et les relations sexuelles hors mariage sont criminalisées, les autorités ont répété que « tout le monde serait le bienvenu sans discrimination ».

« Pas un problème »

Dans les rues de la capitale, les réactions des fans rencontrés par l’AFP étaient plus modérées.  

« Ce n’est pas un problème pour moi. On savait qu’il y aurait des restrictions. Je suis là pour voir du foot et faire des rencontres », a commenté le Mexicain Alex Burgos, 45 ans.

« C’est dommage. Avec ce temps et l’excitation, on aurait bien aimé une bière de temps en temps, mais c’est bien pour éviter les bagarres », a pour sa part estimé Diana, 31 ans, venue soutenir l’Équateur.  

Les habitants du Qatar, eux, sont partagés.

« Ça devrait être autorisé, car beaucoup de gens viennent de partout dans le monde et la FIFA le faisait auparavant », a réagi Ayu Whazir, 26 ans. « Je sais que les Anglais ne vont pas être heureux, mais on n’a pas tout ce qu’on veut dans la vie, désolé », a ironisé Hashem Walid, 20 ans.

Il s’agit aussi d’un sujet sensible car le brasseur Budweiser, propriété d’AB InBev, est un commanditaire majeur du tournoi depuis trois décennies.

Remercié pour sa « compréhension », le groupe a pris acte d’une décision « en dehors de [son] contrôle » et conserve la possibilité de vendre des bières sans alcool autour et dans les stades.

Les organisateurs ont longtemps maintenu le flou concernant la vente d’alcool pendant le Mondial, strictement encadrée en temps normal.

Il avait été confirmé début septembre que des comptoirs de bière ouvriraient autour des stades à partir de trois heures et jusqu’à 30 minutes avant le début des matchs. Ils devaient rouvrir ensuite pendant une heure après le coup de sifflet final. Seules des bières sans alcool devaient être disponibles dans les enceintes sportives.

« Je pense qu’il y a une idée fausse concernant la vente d’alcool dans les stades. Nous opérons comme n’importe quelle autre Coupe du monde », s’était engagé le PDG du Mondial Nasser Al-Khater lors d’une conférence de presse début septembre.

« Un ordre qui vient d’en haut »

Vendredi matin, des tentes aux couleurs rouge et blanc de Budweiser étaient toujours visibles autour des stades internationaux Khalifa, Ahmed Ben Ali et Lusail, où l’AFP s’est rendue.

Une source proche de l’organisation a indiqué à l’AFP que, « depuis quatre jours », ces tentes ont été éloignées de l’entrée des partisans, car jugées « trop visibles ». « C’est un ordre qui vient d’en haut », a ajouté cette source.

Les espaces VIP des stades proposent toujours des forfaits incluant « bières, champagne, vins et spiritueux » à partir de 950 dollars et jusqu’à plus de 30 000 dollars.  

Dans la principale fan zone de la FIFA, acheter de l’alcool est possible à partir de 18 h 30 locales. Dans les fan zones privées, les règles varient. Un bar existe également dans le principal centre des médias.

Au Qatar, consommer de l’alcool est légal pour les non musulmans de plus de 21 ans, mais strictement encadré.  

Il est interdit d’en importer. Le magasin dédié n’est pas ouvert aux touristes, qui peuvent boire dans la plupart des hôtels internationaux, où une bière ou un verre de vin coûtent une dizaine d’euros et un cocktail plus de 15 euros.

Les règles concernant la consommation d’alcool dans les stades varient d’un pays à l’autre. Pendant la Coupe du monde 2014, le Brésil avait levé l’interdiction d’en consommer dans ses enceintes, à la demande de la FIFA.