Dans l’ambulance, Maxime Crépeau voulait des nouvelles de son club. Son LAFC en était à la 127minute de la finale de la MLS, en prolongation. Le gardien québécois venait de se casser une jambe en s’interposant devant un joueur de l’Union de Philadelphie. Los Angeles était mené 3-2. Un des grands moments de l’histoire de la ligue était sur le point de s’écrire.

Paul Apodaca, le chef de la sécurité du LAFC, est avec Crépeau dans le véhicule qui s’apprête à le transporter vers l’hôpital. Il informe le joueur du déroulement du match.

« Max était d’un calme olympien », raconte Apodaca, joint virtuellement par La Presse une semaine plus tard.

À la 128minute, Gareth Bale, la supervedette galloise, marque un admirable but de la tête pour niveler la marque à 3-3. C’est la folie dans le stade.

Quand je lui ai dit qu’on avait égalisé, il était vraiment content !

Paul Apodaca, le chef de la sécurité du LAFC

Paul Apodaca s’assure que Cristina, la femme de Maxime, prenne bien place dans l’ambulance, et laisse le véhicule quitter les lieux pour l’hôpital. Il retourne au stade pour reprendre son poste et assister à la séance de tirs de barrage.

« Je ne pouvais rien faire d’autre » pour Crépeau à ce moment, assure-t-il.

Mensonge. Parce que si on vous parle de monsieur Paul Apodaca, aujourd’hui, c’est qu’il a été au centre des péripéties qui ont suivi.

Le gardien substitut John McCarthy bloque deux des trois tentatives de l’Union, qui en rate aussi une troisième. Le LAFC réussit trois de ses quatre tirs. Il est sacré champion pour la première fois de sa jeune histoire.

« On était tous sur le terrain en train de sauter ! se rappelle Apodaca. J’ai été en mesure de trouver la famille [de Maxime], qui était venue en grand nombre. Et puisqu’ils me connaissent tous, on s’enlaçait tous ensemble ! D’une façon ou d’une autre, j’ai réussi à avoir Max en FaceTime. »

Et c’est là que l’histoire de Paul Apodaca devient particulièrement captivante. Il est apparu dans plusieurs publications du LAFC sur les réseaux sociaux, tout juste à l’extérieur du cadre, avec en ses mains le téléphone qui permettait à Maxime Crépeau d’assister au moment.

Des célébrations, « je vais te le dire, Max n’a pas manqué grand-chose ! », souligne Apodaca. Il n’est pas encore 7 h du matin à Los Angeles lorsqu’il se connecte à la rencontre Zoom organisée par La Presse. Jovial, souriant, il raconte avec enthousiasme les évènements de la semaine précédente.

« J’ai pris le téléphone, et je me suis assuré que tout le monde le voie. Je ne sais pas à qui appartenait le téléphone. Je l’ai eu sur FaceTime à partir de trois appareils différents. C’était assez spécial. »

Apodaca butine avec Maxime Crépeau sur le terrain. Et finit par croiser John McCarthy. La scène est captée par les caméras du club. McCarthy répète : « Putain que je t’aime, Max ! », tout en s’aspergeant de boisson alcoolisée.

Le téléphone fonctionnait-il toujours après avoir été en contact étroit avec le liquide ?

« Je l’espère ! répond le chef de la sécurité en riant. Il a été assez bien arrosé ! »

Apodaca trouvait important de mettre Crépeau, McCarthy et le troisième gardien Tómas Romero en contact de la sorte.

« Ils sont vraiment très proches l’un de l’autre. Ils sont comme des frères. »

« Une grosse famille »

Pour Marc Dos Santos, entraîneur adjoint du LAFC, la bonté de Paul Apodaca ce jour-là est une autre preuve de l’esprit de « famille » qui règne dans ce club.

Paul, c’est la première personne qu’on voit chaque jour quand on entre dans le centre d’entraînement. Il fait tellement avec les joueurs. Il reçoit les familles dans le building. Il reçoit les agents. On dîne ensemble. C’est plus qu’un club. C’est comme une grosse famille.

Marc Dos Santos, entraîneur adjoint du LAFC

Et Maxime a un lien spécial avec Paul.

« Max, quand il entre dans le centre, il aime beaucoup aller chercher son espresso et s’asseoir près de Paul. Il lui parle tous les matins », raconte le Québécois lors d’un entretien avec La Presse.

Le sentiment est réciproque.

« Max est pas mal toujours le premier arrivé le matin, souligne Apodaca. Ce garçon n’est jamais de mauvaise humeur. […] On se fait notre petit “eh, eh” en imitant l’accent canadien. »

« Il y a quelques mois, il a apporté son fameux sirop d’érable. Parce qu’au carb day, on mange nos crêpes, etc. Et le sirop qu’on avait, Max l’avait qualifié de déchet. Il a apporté ses propres boîtes de conserve. Je lui ai dit : “Mais qu’est-ce que c’est que ça ? !” »

Les Américains ont l’habitude du Aunt Jemima, mais pas du sirop canadien dans son contenant en aluminium.

Du vestiaire au défilé

Paul Apodaca a amené Maxime Crépeau avec lui dans le vestiaire après le match. « Je pense que même Will Ferrell lui a parlé ! » L’acteur est un des copropriétaires de l’équipe.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE PAUL APODACA

Paul Apodaca avec Will Ferrell

La « tâche connexe » du chef de la sécurité s’est poursuivie le lendemain. Il y a eu le défilé dans les rues de Los Angeles. Puis le rassemblement devant la scène. Cristina et toute la famille du gardien de but y ont fait une apparition. Une idée du club, qui a insisté pour qu’ils y montent.

« Max m’avait envoyé le texte qu’il voulait que sa femme lise aux partisans. Il y avait quelques mots doux qu’on a dû enlever ! Cristina m’a demandé de rester avec elle, parce qu’elle craignait d’être émotive. Quand elle a eu terminé, elle m’a remercié et m’a dit qu’elle avait à peine été capable de passer au travers. »

Non, les héros ne portent pas tous des capes. Il ne leur faut parfois que de la bonne volonté, de la bienveillance et une bonne dose de gentillesse.

« Pas de comparaison » avec les Lakers et les Kings

Ça fait un bail que Paul Apodaca est dans le métier. Il a « célébré » deux championnats avec les Lakers. Il était sur le banc des Kings de Los Angeles lorsqu’ils ont remporté leur première Coupe Stanley, en 2012. Mais il assure qu’il n’y a « pas de comparaison » avec ce qu’il vient de vivre avec le LAFC. « Ce groupe de propriétaires, ce personnel, ces joueurs, ces partisans… je n’échangerais ça pour rien au monde. » On lui demande comment un gardien de sécurité est devenu le porte-parole, le soir chaotique d’un championnat, d’un joueur qui a dû quitter le match en urgence pour l’hôpital. « Le club au complet, ce sont comme mes enfants, dit-il, en guise de réponse. On a un groupe de jeunes, avec quelques plus vieux. Mais même ceux-là pourraient être mes enfants. »