Pendant que la fusée Ismaël Koné prenait son envol en 2022, le jeune homme de 20 ans, lui, retournait dormir chez sa mère, tous les soirs, à Notre-Dame-de-Grâce.

« Je suis très chanceux par rapport aux autres enfants », souligne le Québécois lors d’une entrevue avec La Presse, à la mi-octobre.

« Ce n’est pas tout le monde qui a une très bonne relation avec ses parents. J’ai la chance d’avoir une relation très ouverte et très mature avec ma mère. On se parle de tout et de rien. Et au-delà que ce soit ma mère, on est capables de connecter sur plusieurs niveaux. »

Koné est assis devant le représentant de votre quotidien dans une des salles du Centre Nutrilait, après l’entraînement du CF Montréal. Son club se préparait à l’époque pour son premier match éliminatoire contre Orlando City. Affrontement au cours duquel Koné marquera le but vainqueur à la 68minute.

Un accomplissement de plus dans une saison de toutes les réussites. Il y a eu ses premières minutes professionnelles. Ses deux buts et cinq passes décisives. Ses 18 titularisations. Sa participation aux matchs de qualification du Canada. Les rumeurs de transfert vers l’Europe. Les éliminatoires de la MLS.

Puis, son envol pour le Qatar, lui qui est en voie de disputer la Coupe du monde avec l’unifolié. Pas mal pour un joueur qui évoluait dans un club amateur de Montréal il y a à peine deux ans.

Le milieu de terrain affirme être en mesure de « garder les pieds sur terre », malgré tout. Et ce, même s’il a l’ambition de prendre le chemin de l’Europe plus tôt que tard.

Qu’en pense sa mère, Suzanne Diomande, qui a vécu de près la montée vertigineuse de son Ismaël ?

« Elle le vit bien, dit Koné. […] J’avais déjà fait une période où j’étais parti loin de la maison, six mois en Belgique. Elle s’était déjà préparée à mon départ et tout ça. Elle sait qu’à la fin, c’est mon métier maintenant.

« Elle se prépare mentalement. Mais comme toutes les mères, c’est difficile de voir son enfant la quitter. »

« Je joue pour ma mère, après tout »

Le jeune homme est né en Côte d’Ivoire en 2002. Sa mère et lui sont arrivés au Canada alors qu’il avait 7 ans, pour fuir la guerre civile.

Koné est conscient des sacrifices de sa mère. Plus que les « trophées personnels » ou les « compétitions d’équipe », c’est elle qu’il veut « rendre fière ».

« J’ai toujours dit que je jouais pour ma mère, après tout. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ISMAËL KONÉ

Le petit Ismaël Koné avec sa mère Suzanne Diomande

Si un éventuel transfert lui permet de toucher le gros lot, le fils songe à offrir un « gros cadeau » à sa maman. « Moi, c’est mon rêve », dit-il.

Pour garder la surprise entière, nous tairons la nature de la convoitise.

Du reste, Koné estime que les derniers mois n’ont rien changé de sa relation avec celle qu’il considère comme « une grande amie ».

« Si je ne suis pas vrai avec ma mère, je ne sais pas avec qui je le serais. Je suis toujours le même. »

« Crève-cœur »

Suzanne Diomande est la seule membre de la famille de Koné qui a fait le voyage au Canada. Les autres sont toujours en Côte d’Ivoire.

Vont-ils regarder, et encourager, le Canada à la Coupe du monde, sachant que les Ivoiriens n’y sont pas ?

« C’est sûr qu’ils vont regarder, croit Koné. Mais c’est sûr que c’est un peu crève-cœur pour eux. Ils auraient voulu que mon choix [de sélection] se porte plus vers l’Afrique et la Côte d’Ivoire. Mais à la fin, c’est peut-être le choix qui est meilleur pour moi. »

Koné a disputé ses premières minutes canadiennes lors de son tout premier rappel avec la sélection, en mars dernier. Il a fait le voyage au Costa Rica, puis à Toronto, avec les habitués du CFM, soit Samuel Piette, Kamal Miller et Alistair Johnston.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Ismaël Koné (13) en action avec l’équipe canadienne

Leur présence aux camps canadiens a-t-elle facilité son adaptation à son arrivée dans le groupe de John Herdman ?

« Oui et non », répond-il. Non, « parce que les gars dans l’équipe sont tellement cool ».

Et oui, aussi, car « Kamal connaît plus ces joueurs-là. Il a pu me parler d’eux et de comment ça se passe ».

Surtout que dans les deux équipes, il peut se fier au leader qu’est Samuel Piette.

« C’est bien de l’avoir. Il est capable de lire les situations, il peut nous aider par rapport à son intelligence sur le terrain. C’est sûr que c’est bon pour moi, des deux côtés. »

Le Canada est tombé dans un groupe relevé dans cette Coupe du monde, avec la Belgique, la Croatie et le Maroc. Mais les Rouges sont « prêts » pour ce « bon défi », croit Koné.

« On joue contre les meilleurs du monde, mais il faut dire que nous aussi, on est capables de le faire. On a des joueurs de qualité. Il va falloir le prouver, mais c’est certain que ma prédiction serait de dire que les gens peuvent s’attendre à ce qu’on aille tout donner. »

Fabrizio Romano : « Qu’est-ce que vous racontez ? »

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Ismaël Koné (au centre) avec le CF Montréal

Fabrizio Romano est probablement l’informateur le plus célèbre de la planète au chapitre des transferts internationaux dans le monde du foot. Et l’été dernier, à travers ses gazouillis annonçant le mouvement des plus grands joueurs au monde, Romano en a envoyé deux au sujet d’Ismaël Koné. Le premier, le 25 juillet, signalant l’intérêt de Norwich, en deuxième division. Puis, le 1er septembre, il en envoie un deuxième, notifiant la planète que Sheffield United était sur le point de faire son acquisition. Transfert qui est finalement tombé à l’eau alors que l’heure limite du mercato était passée. Les deux fois, Koné a été pris par surprise. « Chaque fois qu’il parle de moi, je reçois un texto, on me dit que Fabrizio a parlé, raconte le Québécois. Déjà, le premier, je me dis que ce n’est pas possible. Qu’est-ce que vous racontez ? Le gars, il ramène des nouvelles de [Erling] Haaland et tout ça. » Il dit trouver cet intérêt « flatteur ». « Ça veut dire qu’il y a des gens de ce calibre-là qui regardent mon travail. Donc, c’est encore à moi de pousser et d’aller plus loin. Mais ouais, c’est sûr que c’était un peu surprenant et choquant. »