(Paris) Les appels à ne pas suivre la prochaine Coupe du monde de football au Qatar (20 novembre-18 décembre), critiquée sur les droits humains ou l’environnement, commencent à apparaître à deux mois du coup d’envoi de la compétition, sans rencontrer un écho massif pour l’heure.

Quelques appels dans le monde du foot

Éric Cantona, ancien footballeur, acteur

« Pour être honnête, je m’en moque de la prochaine Coupe du monde, qui n’est pas une vraie Coupe du monde pour moi […] Le Qatar, ce n’est pas un pays de football. Je ne suis pas contre l’idée d’accueillir une Coupe du monde dans un pays où il y a une possibilité de développer et de promouvoir le football, comme en Afrique du Sud ou aux États-Unis dans les années 1990. […] Mais au Qatar, la vérité est qu’il n’y a pas un tel potentiel. Il n’y a rien. Ce n’est qu’une question d’argent à mon avis. C’est seulement une histoire d’argent et la manière dont ils ont traité les gens qui construisent les stades, c’est une horreur. Et des milliers de gens sont morts. Et pourtant on fêtera cette Coupe du monde… » (Daily Mail, janvier 2022)

Philipp Lahm, capitaine de l’équipe d’Allemagne championne du monde 2014 et directeur de l’Euro-2024

« En tant que fan, je ne suis pas très chaud pour m’y rendre. Je préfère suivre le tournoi de chez moi. Les droits humains devraient jouer un rôle important dans l’attribution des tournois. Lorsqu’un pays obtient l’organisation, alors que sur ce point il fait particulièrement mauvaise figure, on se demande sur quels critères cela s’est joué. Ça ne devrait plus arriver à l’avenir. Les droits humains, la durabilité, la taille du pays : tout cela n’a apparemment pas joué de rôle. » (Kicker, début août 2022)

Jakob Jensen, chef exécutif de la Fédération danoise du football

« Nous trouvons problématique que la Coupe du monde se tienne au Qatar, car il y a énormément de problèmes : les droits humains, les problèmes environnementaux… La compétition aura lieu en décembre à cause de la température. C’est dans l’intérêt de tous les pays du monde d’améliorer les conditions des travailleurs et de mettre l’accent sur les conditions que vous avez vu au Qatar. » (SportsPro, janvier 2022)

Lise Klaveness, présidente de la Fédération norvégienne de football

« Les droits fondamentaux placés au second rang sont mis sur le devant de la scène par des voix extérieures ; la FIFA a abordé ces questions, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Les travailleurs migrants blessés ou les familles de ceux qui sont morts dans la préparation de la Coupe du monde doivent être pris en compte. La FIFA, nous tous, devons prendre toutes les mesures nécessaires pour réellement mettre en œuvre ce changement. Avec une tolérance zéro envers la corruption. » (discours lors du congrès de la FIFA au Qatar, mars 2022)

Des supporters de l’En Avant Guingamp, club de football évoluant dans le championnat de France de Ligue 2, avaient déployé une banderole dans une tribune « Boycott Qatar 2022 », lors de la venue du président de la FIFA, Gianni Infantino, avant le match contre Toulouse, au stade de Roudourou. (avril 2022).

Culture et médias montent au créneau

Vincent Lindon, acteur

« Je ne regarderai pas le Mondial. Je pense que c’est une histoire — et je pèse mes mots — répugnante. On va aller dans un pays qui, sur le papier, avait zéro chance d’avoir le Mondial : ni les spectateurs, ni les infrastructures, ni le climat.   En fait, je crois qu’aujourd’hui, on se laisse dévorer par l’argent rouge de sang. » (France Inter, août 2022)

Le Quotidien de la Réunion

« Cette Coupe du monde, plus que tout autre évènement sportif ou culturel avant elle, cristallise des atteintes intolérables à la dignité et aux libertés humaines, elle a piétiné les droits des travailleurs et des minorités et balayé le respect de l’environnement. Jamais sans doute n’était-on allé aussi loin dans la caricature d’un système dévoyé. […] À partir d’aujourd’hui, il n’y aura plus dans ces colonnes et sur notre site internet aucun article ni annonce publicitaire évoquant l’aspect sportif de ce Mondial-2022. » (éditorial sur le site lequotidien.re, 13 septembre)

Libération, journal français

« Il est trop tard pour boycotter, mais encore temps de s’activer », écrit le quotidien dans son édition de lundi 19 septembre, avec ce titre-choc : « Mondial au Qatar : la Coupe est pleine ». « Prôner le boycott aujourd’hui semble bien tardif. Et peu réaliste. Libération en tout cas couvrira l’évènement, en auscultant ses enjeux sportifs bien sûr, mais sans occulter les controverses diplomatiques, économiques, sociales, sociétales, environnementales… Sans lunettes roses ni œillères donc », fait valoir le journal dans un éditorial.

Les personnalités politiques prennent position

Amélie Oudéa-Castéra, ministre française des Sports

« La solution est beaucoup plus dans une action diplomatique résolue, et c’est ce que notre pays fait. Tant sur le registre des droits humains que sur le terrain écologique où on encourage le Qatar à faire davantage sur sa transition écologique, notamment en vue de la COP 27. […] Sur le plan des droits humains, notamment des droits des travailleurs, il faut poursuivre les progrès. Il y a, au cours des derniers semestres, dans le cadre d’un dialogue exigeant, des premières avancées. Instauration d’un salaire minimum, suppression de la “kafala” (système de parrainage faisant des salariés des quasi-propriétés de leur employeur, aboli à partir de 2016, NDLR). Elles sont loin d’être suffisantes et il faudra s’assurer que les engagements sont tenus. L’action diplomatique, c’est en ça que je crois. » (Le Parisien, 15 septembre 2022)

Jean-Luc Mélenchon, leader du mouvement La France Insoumise (LFI)

« Oui, s’il y avait une bataille pour le boycott, moi j’y participerais, mais je n’ai pas beaucoup d’illusions. C’est une honte ce qui se fait là. » (RTL, avril 2021)

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

« (Boycotter le Mondial) oui. Mais je crois que le débat n’est pas tant un débat moralisateur entre les uns et les autres sur qui boycotte. Je pense que c’est en 2013, comme l’a fait la Confédération syndicale internationale, qu’il fallait dénoncer le fait que le Qatar ait la Coupe du monde. » (France Inter, 18 septembre 2022)